Quand les mots pansèrent les blessures...
17ème Festival du Court-Métrage de Fréjus, sélection Aurelia, Film 13
[Courts-métrages, donc courtes critiques]
Ou quand les mots "pensèrent" les blessures, une autre manière sans doute plus poétique de percevoir ce court-métrage qui justement, génère cette impression de poésie conceptuelle, et qui fut de loin le plus original et le plus "fort" court de cette 17ème soirée du Festival. Entièrement réalisé à la main (personnages faits de bois, d'argile, brindilles et autres accessoires du genre) et utilisant la technique prisée depuis quelque temps du stop motion, Lettres de Femmes est très dur dans son propos et dans ce que dégagent ses images. Se déroulant au coeur des tranchées des Poilus de la Première Guerre Mondiale, il narre les aventures terribles d'un infirmier du front, qui utilise les lettres de femmes reçues par les soldats pour panser leurs blessures.
Très dur, ce court-métrage l'est certainement, et je doute fort qu'il aurait pu être présenté à ce Festival si de vrais acteurs avaient été présents. En effet, la violence, la mort et l'horreur visuelle aurait été difficilement supportable pour une bonne partie du public. Sans comparaison avec ce film-là, prenez l'exemple de Diabel de Zulawski : malgré la qualité extraordinaire de ce film, par son propos, sa réalisation ou encore son ambiance, l'horreur et la violence de nombreuses scènes choqueraient beaucoup de gens. Dans Lettres de Femmes, il en aurait été de même si les "poupées" de glaise "jouant" les soldats eurent été de vrais acteurs, notamment lors des prises de vue surplombant le champs de bataille, véritable jardin de la Mort recouvert de cadavres déchiquetés et de (parcelles de-) membres solitaires. Toujours est-il que malgré l'absence de cette horreur visuelle, le suggestif remplit son office en tirant la corde sensible du spectateur, lui nouant parfois les tripes s'il a un tant soit peu d'imagination et d'empathie.
Mais l'ambiance continuellement lugubre et mélancolique de ce film semble avoir pris de court (jeu de mot...) le public qui semblait visiblement préférer la légèreté et le comique dans ce Festival qu'une certaine originalité ou la tristesse sans doute trop forte d'une oeuvre comme celle-ci*. Pourtant, le talent des réalisateurs est indéniable, notamment dans la mise en scène incroyablement réaliste au vu du style adopté, les dialogues et l'ambiance. Un court à voir absolument, rien que pour son style et sa mise en scène superbement réussis.
*je parle ici de la réaction très mitigée et peu enjouée du public à la fin de la projection, qui contrastait avec l'entrain des applaudissements qui clôturaient pourtant certaines comédies moyennes.