___ça change de Jessica Chastain et Oscar Isaac, ce couple ce parlant des heures dans le remake de Bergman:
dans ce mariage ici, « On se parlait pas …on s’est jamais parlé…c’est pas maintenant qu’on va parler » dit la mamie qui vient de demander et obtenir le divorce après plus de 50 ans ensemble; séparation dont le fils est en complet déni, une heure plus tard (lors de la scène en voiture).
___le mari/papi a ici parfois la voix de Michel Bouquet (les rares fois où il parle):
c'était comment papi? « c’était par la France d’aujourd’hui…c’était la France pauvre…y’avait pas le progrès » (le papi). On note qu'il parle d'emblée de la situation des français. Mais sa petite fille lui demandait pas ça, « oui, mais pour les Algériens ? c’était comment ? ». Elle semble ne pas vouloir entendre que c'était pas facile non plus pour TOUS les locaux.
___au passage si on écoute bien et lit les sous titres, il y a encore un rappel des horreurs de toutes les guerres et du soi-disant 'racisme' si commun à tant de culture et périodes:
"Tous mes oncles sont morts. Ils marchaient sur la route...(on les a retrouvés) écrasés par des jeeps de militaires qui passaient" dira le papi lors de la scène dans la cuisine à la fin où il semble oublier la caméra et parle plus.
30 minutes plus tôt, le fils regardant des photos de famille, parle de "Mohammed" (à côté de sa 2 CV sur la photo): "20 ans éboueur à Clermont puis a travaillé à Thiers...(Zinedine semble regretter qu'il) était appelé 'Maurice' par ses collègues"... "polisseurs de couteaux à la chaîne...35 ans/4 enfants...il fallait assurer". Il semble oublier la culture des surnoms en entreprise et groupes d'amis, bien souvent sans que ça soit forcément du racisme; Bernard devient Beb...le Béb...Daniel devient Dadou...etc. Et ceux qui l'accueillent à la télé encore de nos jours (dont Nagui) l'appellent bien encore "ZinAIdine"alors que ça se prononce "Zinndine". C'est pas forcément du racisme. ...et ça me rappelle que des musulmans Comoriens racontent ne pas aller à la plus proche mosquée à Marseille de nos jours car trouvent trop racistes certains algériens de la mosquée la plus proche. Comme quoi, il n'y pas que les ouvriers des années 1960 qui sont soupçonnables de racisme.
___plus efficace et cognant est la scène de la carte de séjour: on se demande comment il n'est pas encore français, s'il n'a pas fait la demande etc. Voilà un sacré bosseur, qui a visiblement plus que ses annuités et a connu des conditions de travail quasi Victoriennes et il a, lui, qu'une autorisation d'être là 20 ans?
___marrant qu'avec un papa si silencieux, son fils sensible et artiste soit justement devenu...mime.
Le papa n'est pas partageur de ses sentiments, il gardait pour lui apparemment beaucoup.
Surtout en compagnie de sa femme car il a l'air plus détendu avec les hommes de sa famille et ses amis: c'est d'ailleurs une des scènes les plus émouvantes où ,peut-être moins sur ses gardes, il rend hommage à sa "petite fille", peut-être plus qu'il ne l'a fait avec son fils, car il dit à la table de la cuisine vers la fin, qu'elle:
...est "très débrouillarde, est retournée en Algérie, a retrouvé de la famille (à Laaoumar?), des bouchers". Alors que 30 minutes avant, on apprenait que quand son fils lui avait demandé des années avant s'il était content de lui et qu'il vit de son métier: "si je te le dis ou je te le dis pas, qu'est ce que ça change?"... Pierre Arditi racontait aussi que son père était différent et plus communicatif et indulgent avec ses petits enfants qu'avec lui ("j'avais pas le droit d'accès à son atelier, ma fille barbouillait elle ses toiles en cours...il en riait".
____Je ne savais pas que le bon acteur Zinedine Soualem avait été un mime très reconnu, rentable et longtemps: "Zouzou" ( on voit sa maman regarder plein de coupures de journaux).
J'avoue que le fait que le fils sont connu est presque hyper secondaire, et que même que ce soit sur la diaspora algérienne en France n'est pas non plus le plus important,
car le doc et les émotions deviennent très universelles et bien exprimées par un montage efficace.
Je le dis mal mais c'est aussi un miroir et une occasion de penser à sa propre famille.
___et les passages sur la désindustrialisation sont très efficaces aussi et universels: le papi retourne sur son lieu de travail, une Coutellerie au bord de l'eau et en visite le musée ("bruyant").
Le fils prenait des vidéos VHS de ses parents et la petite fille les utilise: donc on voit d'hier à aujourd'hui SANS que ce soit soirée diapositives du tout.
Par exemple, dans les images du fils dans la maison des parents à Thiers près de la couttelerie, il faudrait être aveugle et insensible pour voir que la femme n'est pas des plus heureuses.
Mais la même avec ses amies, avec que son fils...son visage s'illumine de ce regard quasi marial que les mamans ont pour leurs enfants.
Sur les vidéos du mariage de sa fille, on dirait une personne différente: elle danse et exulte la joie, "je suis heureuse de marier ma fille"; ce qui me rappelle la joie du personnage créé par Eli Kakou à partir de sa mamie, Madame Sarfati, ravie d'avoir marié toutes ses filles sauf Fortunée:
"Moi j'me suis mariée, j'avais16 ans; on m'a pas demandé mon avis, on m'a dit 'voilà c'est celui-là ton mari' chut! pas de parole" (sketch d'Eli Kakou au Point Virgule, jouant sa mamie, Mme Sarfati)
Et encore de nos jours et désormais, quand interrogée par sa petite fille sur des sujets parfois sentimentaux, sa pudeur l'empêche de répondre, s'enfermant alors dans un rire nerveux assez communicatif et on devine alors que son éducation et religion semblent en avoir peut-être fait une touchante adolescente enfermée dans un corps d'adulte?