La vérité, l'âpre vérité

J'étais curieuse de voir si un film saurait approcher avec autant de justesse la réalité, la vérité des classes populaires que Nicolas Mathieu s'efforce de retranscrire dans ses romans.

Tout l'enjeu étant pour lui de donner voix à une classe sociale privée de son discours propre, toujours racontée à travers les mots et la vision de plus érudits - donc régulièrement incomprise et méprisée.

Ludovic et Zoran Boukherma sont ici restés fidèles à l'écriture de Nicolas Mathieu, respectueux de sa volonté de témoin de la réalité à la fois singulière et universelle de ces masses silencieuses, mais sans toutefois atteindre la force de frappe et la profondeur du propos de l'auteur.

Parce que ce dont on nous parle, c'est de fatalité et de déterminisme.

De l'éternel retour, du destin comme un rouleau compresseur et du temps comme un cercle plat qui, même quand on pense avoir trouvé une porte de sortie, nous ramène immanquablement au point de départ. Scène magnifique d'ailleurs de Gilles Lellouche (magistral) qui, imbibé d'alcool, regarde son fils danser un slow avec la fille de ses rêves d'un œil attendri, jusqu'à ce que ce regard se teinte de tristesse, puis de désespoir.

Ces gens-là pour qui le quotidien aplatit tout, la vie ne tient pas ses promesses, qui se tabassent à l'alcool et aux clopes, avec une rage au ventre qui finit par se retourner contre eux et pour qui l'amour, c'est toujours avec des sanglots dans la voix (Johnny en roi indétronable). Il faut connaître toute l'apreté de cette vie pour pouvoir extraire la magie d'un feu d'artifice ou d'une victoire un soir de coupe du monde; à corps perdus, avant d'être immanquablement rattrapés par le réel.

Mais un film qui nous parle d'espoir malgré tout.

Sauvé, au final, par un idéalisme comme un pied de nez au réel et ses chemins tout tracés.

https://youtu.be/89dGC8de0CA?si=sjuYawXFwDHXdHSR