L’adolescence, cette période si compliquée à vivre pour n’importe qui, qui l’est sûrement encore plus dans une famille à la violence toujours latente, peut-être pas si franche que ce que nous avons pu voir à d’autres reprises, mais elle est là, dans les mots, dans les menaces, dans l’alcoolisme d’un père aux réactions imprévisibles et dans une certaine passivité d’une mère qui ne sait plus vraiment comment faire. Une adolescence dans les années 90, au cœur d’une région franchement paumée, qui tombe peu à peu en désuétude, parce que les usines qui la faisaient vivre s’écroulent, laissant sur le carreau une multitude d’ouvriers au chômage et un paysage qui doit chercher à se renouveler, à s’épanouir autrement, mais à cet âge où tout est possible, mais où tout semble si mort autour de vous, difficile de grandir sereinement, de trouver sa voie, de penser à l’avenir, tout simplement. Alors, il y a les bêtises, les sorties entre potes, l’alcool, la drogue, les bagarres, les filles, c’est tout ce qui compte pendant un temps, mais lorsque l’on habite un trou paumé, tout est trop loin, inaccessible, tant en distance, que dans les différences de classes sociales, difficile de trouver sa place, de s’éloigner de cette image de cassos dont tout le monde veut bien vous affubler, un jeune perdu pour la cause, dont tout le monde se fiche et qui doit faire avec les cartes qu’il a en main. Continuer à espérer, sortir la tête hors de l’eau, tomber amoureux, trouver un boulot, mais être toujours sur le fil, tout perdre, se sentir trahi, ne jamais être assez bien, toujours être le second choix, la roue de secours, faut de mieux, c’est un état d’esprit dont il est difficile de s’échapper, d’autant plus lorsque les éléments s’acharnent. La réalisation de Ludovic et Zoran Boukherma est pleine de sensibilité, d’un réalisme saisissant, ils ont su pointer du doigt la réalité d’une époque, de sa région, de ses enjeux et du mal-être ambiant qui pouvait régner, avec une certaine brutalité parfois, mais toujours avec justesse. Visuellement, c’est un petit bijou de sobriété, fait de contrastes, des paysages industriels en décrépitude, fantomatiques, qui font face à une nature luxuriante, une vie qui fourmille, de la lumière à profusion, c’est une certaine pauvreté ambiante, mais également l’insouciance de l’âge tout se confronte parfois violemment, pour exister, tout simplement. En ce qui concerne le scénario, il se déroule sur plusieurs années, des moments clés, des tournants, des décisions, des choix, qui vont impacter plusieurs destins, intelligent dans son écriture, il nous plonge au cœur de ces vies pas toujours simples, parfois presque insupportables. C’est un récit bouleversant, aux sujets d’une profondeur extraordinaire, incisifs, ils sont le reflet d’une génération, de ses problèmes, de ses joies, de ses peines, de ses erreurs, mais aussi de ses choix les plus beaux, porteurs d’espoir, dans un dénouement qui vient boucler la boucle, pour réparer le passé et enfin se tourner vers l’avenir, dans un symbolisme terriblement libérateur. Quant au casting, il est extraordinaire, mention spéciale pour Paul Kircher qui ne cesse de me surprendre, Sayyid El Alami y est bouleversant, Gilles Lellouche est bluffant de talent et j’ai beaucoup aimé le rôle de Ludivine Sagnier.
En bref : Un film qui parle de l’adolescence, d’une génération perdue, dans une région qui se meurt à petit feu, ayant vu s’effondrer les usines qui la faisaient vivre, une adolescence faite d’une violence latente, dans un contexte familial difficile, qui se répercute à l’extérieur, de mauvais choix, de mauvaises décisions, des erreurs de jeunesse, des préjugés qui vous collent à la peau, mais un destin qui peut néanmoins s’éclaircir, parce qu’il est toujours temps de réparer le passé et de voir enfin le bout du tunnel d’un futur un peu plus lumineux !
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