S’agissant de mélodrames en scope et Technicolor, il n’y a pas que Douglas Sirk et Vincente Minelli. En 1960, le trop peu connu Richard Quine signait avec Strangers When We Meet (trop prosaïquement traduit par Liaisons secrètes) un modèle du genre, «une remarquable étude de l’adultère, très tragique sous des dehors délicats», comme le notent très justement Coursodon et Tavernier, admirateurs des talents de Richard Quine. Lequel se révèle à la fois un directeur d’acteurs sensible qui obtient le meilleur de son formidable duo de stars (alors qu’ils ne s’entendaient pas du tout sur le plateau) et un styliste hors-pair dont la mise scène à la fois discrète et élégante parvient à transcender ce que cette histoire d’amour illégitime pourrait avoir de convenu. De tous les films du genre de cette époque, celui-ci est certainement le plus chargé en tension sexuelle: dès la première rencontre entre les deux personnages principaux, on a presque l’impression de visualiser les décharges de désir qui circulent de l’un à l’autre. Il faut dire que Richard Quine vivait à l’époque une idylle avec Kim Novak, qu’il avait déjà dirigée par deux fois dans les excellents Du plomb pour l’inspecteur en 1954, un petit polar en noir et blanc devenu culte, et L’adorable voisine en 1958, une délicieuse comédie qui préfigure la série Ma sorcière bien-aimée. Pas étonnant donc qu’il parvienne à obtenir de cette actrice, réputée pour être plus travailleuse que douée, une large gamme de subtiles émotions, en plus de l’irrésistible aura érotique qu’elle dégage presque malgré elle.