Nous sommes en 1943. Comme à l’accoutumé, une famille tsigane s’installe, le temps des vendanges, dans un petit village français. Sous le régime de Vichy, le vagabondage est prohibé et tous les membres de la famille sont envoyés dans un camp. Ils parviennent à en sortir grâce à Théodore, le maire du village. Avec l’aide de l’institutrice, mademoiselle Lundi, il leur cède un terrain et une maison pour une bouchée de pain…
Le cinéma de Tony Gatlif a toujours eu pour objectif de comprendre l’histoire des Roms et de célébrer leurs communautés. Elevé par une mère gitane, il explore tout au long de sa carrière son propre rapport à ses origines et met en scène des personnages de tsiganes. Pour Liberté, il a travaillé à être le plus proche possible de la réalité. Il s’attèle à retranscrire l’histoire vraie d’une famille qui vécue durant la seconde guerre mondiale. A travers ce récit singulier, le réalisateur rend hommage à tous les tsiganes qui ont subi les déportations en camps. Pour jouer leurs rôles, il fait appel à des tsiganes et non à des acteurs professionnels. Seule exception, le rôle de Taloche est tenu par James Thierrée. Le devoir de mémoire dans lequel s’inscrit Gatlif est important puisque le « samudaripen », ou génocide tsigane, demeure un massacre oublié par les livres d’histoire. Le regard qu’il porte sur les camps est dur : pour une famille qui peut être sauvée, combien y ont perdu la vie ? Les historiens peinent à estimer le nombre de morts qui se situeraient entre 300 000 et 500 000. Cette incertitude historique s’explique par le manque d’archives qui complique le travail de recherches.
Malgré cela, Tony Gatlif met un point d’honneur à rendre fidèlement à l’écran ces personnages de tsiganes. Les costumes et décors du film ont fait l’objet d’un minutieux travail de reconstitution et témoignent du regard bienveillant que pose le réalisateur sur la communauté. Il s’inspire de faits réels tant pour narrer l’histoire de la famille que pour celle de mademoiselle Lundi. Son personnage, inspiré par la résistante Yvette Lundy, souhaite participer à l’éducation des enfants tsiganes en leur apprenant à lire et écrire. Son action permet de faire comprendre que le monde n’est pas fait que de personnes qui les rejettent. S’ils ne sont acceptés par tous les habitants du village, ils sont l’objet d’une fascination certaine pour P’tit Claude, un jeune enfant orphelin qui admire leur mode de vie. Lui qui n’a plus d’attaches décide de les suivre et de vivre comme eux. À travers son regard, le spectateur est amené à découvrir leurs coutumes, à comprendre pourquoi ils chérissent tant la liberté des nomades.
Ainsi, la musique, si chère à Gatlif, lie enfants et parents malgré la guerre. La musique fait partie de leur mode de vie, crée des moments de partage. La liberté est représentée par le personnage de Taloche, un des adultes de la famille, très attachant bien qu’un peu simplet. Il est lui-même musicien et aimé de tous les autres personnages. Lorsque la vie le pousse à bout, galvanisé par cette envie de liberté, il se roule dans les feuilles, cri dans la forêt, pour se sentir vivant. Liberté ne se veut pas réaliste et tend à poétiser le quotidien des personnages. Le film s’inscrit dans la lignée de ce qui a toujours motivé Tony Gatlif, raconter l’histoire des tsiganes. En posant un regard tendre sur ses personnages, il dresse le portrait d’un groupe pour mieux évoquer la condition tsigane dans son ensemble.