C’est les grandes vacances estivales et l’on devine coutumières pour les Monot, quelques semaines en Vendée, l’occasion de passer du bon temps à six, notamment sur la plage à expérimenter jeux en tout genre et se prendre le chou avec les nombreux machins gonflables récalcitrants. Il y a déjà dans cette introduction une douce légèreté perturbée par un sentiment d’effroi latent. Jacques ne cesse de répéter off qu’il se fait chier. Son grand rêve, loin des châteaux de sables, est de hisser la voile, larguer les amarres et s’embarquer dans un petit road trip familial sur l’ile d’Aix, en face.
Mais pour ça il lui faut un bon bateau. Il n’y a plus que ça qui compte. Exit les souhaits de sa femme concernant son patio à géraniums ou ceux de ses gosses quémandant de l’argent de poche. On va même jusqu’à restreindre les ingrédients dans la première crêperie venue. Tout pour le bateau, futur Zygomar, dériveur d’occasion, jusqu’aux coups de gueules parfois violents que chacun se doit de supporter sans broncher. Vraiment un pauvre type, quoi. Qui ira d’ailleurs jusqu’au bout de son (entreprise de démolition de son) rêve.
La réussite et la beauté de Liberté Oléron tient beaucoup à son potentiel comique, principalement celui de Denis Podalydès, fascinant dans la peau de cet homme aussi attachant que détestable, qui n’en fait qu’à sa tête, qui vit son rêve et le fait partager sans trop se rendre compte que ce n’est pas le rêve de tous. En ce sens Jacques Monot rejoint le Jean Arthur Bonaventure du film de Jacques Rozier : même goût pour l’aventure immédiate, même naïveté, ce besoin d’autorité et l’abstraction totale d’un quelconque sentiment gênant. Jacques ira jusqu’au bout, si loin que le retour de l’île d’Aix, promis incertain pour cause de perte de dériveur lesté, va s’avérer un calvaire pour tous.
Bruno Podalydès invente sans cesse, il dynamite le film de vacances, procède aux motifs récurrents (la glaviole, le sous-marin, la boussole…) ainsi qu’à des termes marins haut de gamme (lofer, winch, prendre un rit…) – où il faudrait un vrai lexique (offert dans la version dvd) pour tout saisir – pour mieux déjouer les codes, faire un film riche en répliques et d’une forte singularité. Fort de son humour, Liberté Oléron est par la même occasion très touchant. Par les relations qu’il met en évidence. Celle d’un homme en plein rêve de gosse et de sa femme aussi compréhensive que désabusée. Celle d’un ado timide et aveuglée par la beauté féminine et d’une ado un poil plus âgée bouc émissaire de ses potes et condamnée à passer les vacances auprès de ses vieux.
Par ce qu’il dit sur la famille en général. L’amour et la saturation, l’éclatement, la colère, le partage, le rêve, les réconciliations. Et surtout un sentiment de flottement domine. Parce que c’est les vacances, parce qu’il y a un espoir de renouveau mais qu’il faut y mettre le prix, parce que la réplique fait rarement mouche, elle accompagne, elle est réfléchie, et parce que Bruno Podalydès filme ça sur Oléron et sur Aix, et que forcément on a l’impression d’y être, de recevoir ce doux vent d’atlantique dans la figure (on pense à un Du côté d’Orouët plus dialogué) où nos souvenirs intimes refont vite surface.