Libérez la Roya !
L’on y pense à ces sombres heures du siècle précédent, difficile de s’en s’empêcher. Evidemment que Cédric Herrou, par son soutien aux clandestins, dans cette ancestrale vallée de la Roya, met à...
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le 7 oct. 2018
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Cédric Herroux a une maison sympa dans la montagne et comme des gens passaient par là illégalement, il leur a offert un bout de canapé, un hamac, une caravane, une omelette, le temps de pouvoir aller ailleurs. Et faisant cette chose toute naturelle pour lui, il s'est retrouvé à faire de la politique.
On ne reviendra pas ici sur le sujet d'actualité et les valeurs qu'il porte, avec lesquelles on peut adhérer ou pas. LIBRE n'est pas un cri d'alarme ou un appel à la conscience. S'il se fait pamphlétaire, c'est avec le sourire, une clope au bec, à l'ombre d'un olivier, et uniquement à travers son personnage principal, qui n'est traité que comme une curiosité. Le réalisateur, visible à l'image, ressemble plutôt à un amateur sympathisant qu'à un professionnel du documentaire, et ne s'en cache pas du tout. Et ça, c'est plutôt appréciable.
Le film de Michel Toesca semble avoir fait l'objet d'une écriture minimaliste. En tout cas, l'actualité a rattrapé l'écriture car la médiatisation de Cédric Herroux, gros sujet, arrive après le début de la réalisation et était difficilement prévisible. La caméra qui filme Cédric Herroux, sa maison et ses invités, est un invité comme les autres, qui les regarde à la même hauteur, sans s'éviter les bizarreries et hurluberlus souvent laissés hors-champ dans les documentaires dits engagés.
L'artiste narcissique un peu illuminé, qui vient aider juste avec son art, il est là, on lui la parole. L'infirmière un peu à l'ouest, et son franglais a droit à une séquence entière du film. Quand un migrant parle à la caméra, c'est pour défendre la fermeture des frontières françaises. Faut-il montrer Cédric Herroux aviné chantant avec ses amis ? La question ne se pose pas. Le moment a été intéressant, Michel Toesca le met dans son montage.
Cette naïveté à montrer tout ce qui passe et nous interpelle, mais surtout ce qui nous amuse et nous fait sourire, dans un sujet souvent traité avec gravité, confère à ce qu'on regarde une grande honnêteté. Difficile après ça de parler de réelles motivations cachées du protagoniste, par exemple. En effet, Cédric Herroux ne se cache pas d'aider les autres d'abord pour lui-même. A le voir vivre, il n'y a pas de lucratif. Quand il change de voiture, il s'en vante. Son absence de stratégie médiatique par exemple, peut être critiquée, mais elle témoigne de cette honnêteté intellectuelle dont il fait preuve à chaque intervention dans le film.
De cette manière, le flegme de cette bande de joyeux désinvoltes qui veulent juste passer fera évidemment contraste avec la violence institutionnelle qui les empêche de "juste passer". Mais l'image est si peu esthétisée, les lieux et personnages si peu valorisés (sauf le beau paysage), qu'il est difficile d'y voir la construction d'un discours. Le film se veut témoignage. Il construit un récit bien sûr, mais pas un argumentaire.
Libre est intéressant à regarder pour quiconque s'intéresse au sujet. Mais d'un point de vue documentaire, il est surtout intéressant pour ce qu'il n'est pas. Il s'évite les poncifs du genre que l'on est en droit de craindre. Si vous les craignez, je vous rassure donc: pas de voix off moralisatrice faussement sage, pas de gentils blancs révoltés qui menacent les politiques les larmes aux yeux, pas de regard caméra interminable sur un si mignon enfant étranger, pas de cadrage vu de haut sur la maigreur et la fatigue d'un miséreux sous trois notes de piano en mineur. On est assis ou debout là, parmi eux, et on se surprend dans les déboires avec la santé, la police, et la politique, à regarder une comédie.
Créée
le 8 oct. 2018
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