*Girl* est un film contemplatif qui s'évertue à rester centré son héroïne dans tous les poncifs de films sur la "différence" qui comptent de nombreux grands moments de cinéma (*Boys don't cry, Billy Elliot, Moonlight*...). Malheureusement, dès l'ouverture, le film se place déjà à son sommet, note de violon lancinante, gros plan à faible profondeur de champ sur un personnage principal au visage troublé malgré un effort de détermination.
La photographie use de lumières dorées assez jolies, mais un peu trop souvent. Le soleil semble s'obstiner à se coucher plus que de raison pour magnifier notre sujet. Le sujet du film échappe à certains clichés du genre: Lara n'est pas en conflit avec sa famille, ne cherche pas à affirmer son identité dans une société qui la refuse. A part une scène d'humiliation plus qu'attendue. Et le suivi par les médecins informe de la lourdeur du processus de changement de sexe que Lara s'impose est très intéressant.
Reste que le film ne raconte pas, ne narre pas, mais contemple la crispation progressive de Lara, bien trop progressive. Le recours à la danse comme moyen de représentation du rapport au corps est extrêmement redondant en plus d'être déjà très usité. Une dizaine de scènes toutes semblables de répétition de ballerines jonchent le film pour à chaque fois l'aplanir.
Enfin, c'est personnel, mais j'ai du mal à me prendre d'affection pour un personnage qui n'a pour seul centre d'intérêt que sa petite personne, son corps, son zizi, son apparence, son corps. Ainsi, Lara se regarde dans le miroir à la danse, dans la vitre des transports, dans son miroir pour sculpter son image d'elle-même. Quelques phrases par-ci par-là vont pointer ce travers narcissique, mais c'est pour mieux tenter de nous toucher par ce narcissisme. Le reste du temps, c'est moi en nette parmi la foule floue, moi nette dans la rue, moi nette à l'école, moi nette au vestiaire, moi nette dans la douche parce que mon corps. On est dans un sujet, le corps, qui semble ne devoir en aucun cas justifier son intérêt. Le mot seul, c'est assez fréquent de nos jours, paraît être un argument suffisant à presque deux heures de film.
Ce film très esthétique a deux énormes qualités : sa photographie et son acteur principal, qui auraient pu faire un très bon court-métrage si son réalisateur ne s'était pas refusé à retirer toutes les scènes inutiles (vie quotidienne, je joue avec mon frère, je l'emmène à l'école, je me regarde dans le miroir, je fais rien en gros plan, je regarde devant dans la voiture parce que moi) et redondantes. Parce que quelqu'un qui fait rien en gros plan, c'est quelqu'un qui pense, qui est troublé, qui digère ce qui vient de lui arriver. Lara, tout au long de ses gros plans, ne pense qu'à une seule chose. On peut donc finir par détester contempler cette personne qui ne pense qu'à elle, qui m'a peut-être fait passer à côté de son évolution.
Pour la difficulté de se sentir différent à travers le ballet, retapez-vous *Billy Elliot*. Pour le rapport au corps qui s'abime à travers le ballet, retapez-vous *Black Swan*.
Pequignon
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le 15 oct. 2018

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Pequignon

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