천하장사 마돈나 / Like a Virgin (Lee Hae-jun & Lee Hae Young, Corée du Sud, 2006, 1h56)

Petite chronique du quotidien, sans autres prétentions que de raconter son histoire, ‘’Cheonhajangsa Madonna’’ relate les mésaventures de Oh Dong-ku, un jeune étudiant mal dans sa peau. En surpoids, peu confiant en lui, homosexuel, il se genre comme femme, se travesti le soir venu, en se glissant dans des tenues féminines pour imiter son idole Madonna, en qui il voit un modèle.


Décidé à changer de sexe, malheureusement le coût de l’opération est très élevé et lui paraît inaccessible. Venant d’un milieu ouvrier des plus modestes, et ayant des relations houleuses avec son père alcoolique, il travaille en parallèle de ses études. Ça ne lui rapporte pas assez, alors il décide de se lancer un tournoi de lutte, pour y remporter un prix, qui s’accompagne d’une prime. Une somme qui lui permettra de réaliser son rêve.


Avec un sujet clairement casse gueule, Lee Hae-jun & Lee Hae Young parviennent à mettre en scène un métrage tragi-comique aux thématiques fortes, qui en 2006 apparaissent même particulièrement avant-gardiste. D’autant plus dans un pays encore très conservateur. Il faut savoir qu’en Corée du Nord les homosexuels, et plus généralement la communauté LGBT, ne sont pas reconnu et n’ont pas de droits. C’est même, encore aujourd’hui, un sujet tabou.


Tout de suite ‘’Cheonhajangsa Madonna’’ apparaît comme une entreprise courageuse, pleine d’audace, qui ose explorer frontalement son propos, sans détour, ni concessions. Il en résulte une œuvre un peu maladroite, mais particulièrement touchante, surtout par son personnage principal, en évolution dans une société où il ne trouve pas sa place. Marginalisé par beaucoup, c’est un combat de chaque jour qu’il mène.


La relation entre Oh Dong-ku et son père, le harcèlement qu’il subit, son attirance pour l’un de ses professeurs, les moqueries qu’il essuie en devenant lutteur, sont tout autant d’expériences qui le renforcent. C’est ainsi tout au long du récit qu’il se construit, dans les dernières minutes du métrage il n’est plus le Dong-ku du début. Il se durcit, convaincu du bien-fondé de sa quête identitaire, elle lui permet de faire de devenir chaque jour un humain à parts entières.


Si le film n’est pas exempt de défauts, le rythme est parfois un peu lent, des séquences sont un peu confuses, des personnages somme le père alcoolique sans nuance, les harceleurs sans motifs, les lutteurs un peu falots, n’évite pas certains stéréotypes. Bien que ce soit contrebalancé par une authenticité non feinte, assumant un propos revendiqué.


Toute une réflexion se dégage de Dung-ku, qui vise la marginalisation et le rejet par la société de ce qui est considéré comme ‘’différent’’. Le jeune homme est absolument comme tout le monde, il rit, il pleure, il aime, il déteste, il prend des coups, en rend peu, il cherche à se fondre dans la masse, sans faire de siennes. Il est assez lambda en fait, si sa ‘’différence’’ n’était pas souligné par les personnes de son environnement.


Sans cesse jugé sur son attitude, sur sa façon d’être, sur sa manière d’exister, à force de moquerie, et même littéralement de coups dans la gueule, il se forge un caractère. Il se durcit face à la violence d’une société qui plonge vers l’obscurantisme, refusant de voir qu’il existe des alternatives a un ‘’modèle’’ standard, de plus en plus obsolète.


Cette force qu’il trouve au fond de lui, face à des difficultés énormes, lui permettent de mieux s’affirmer. Ainsi il se donne à fond dans son sport, même si c’est difficile, n’ayant aucun entraînement, et pas vraiment le physique d’un sportif. Comme pour ce qu’il est, transgenre, il se bat pour se faire accepter au sein de l’équipe de lutte. Les séquences de sports offrent dès lors un écho métaphorique à l’âpreté de son combat quotidien.


Soutenu et encouragé par le coach, c’est à bride abattu que Dong-ku se jette dans l’apprentissage du Ssireum. Du nom de la lutte folklorique coréenne, sport traditionnel national. Avec toutes les difficultés que cela engendre. Le choix de l’activité ne semble dès lors ne pas être dû au hasard, tellement le métrage de Lee Hae-jun & Lee Hae Young se complaît à tordre le cou à la tradition.


S’il est loin d’être parfait, ‘’Cheonhajangsa Madonna’’ n’en est pas moins une première œuvre attachante, pleine d’humanité, évitant avec brio la complaisance, le jugement, où un extrémisme désuet. Au contraire, la volonté est de toucher le plus grand nombre, avec un sujet qui peut être perçu comme un ‘’sujet de niche’’, puisque le propos principal est tout de même particulièrement ciblé.


Le fait qu’il date de 2006 ajoute un cachet supplémentaire, car il s’affiche à contre-courant de la tradition Sud-coréenne, dans un premier temps. Dans un second il porte haut son sujet sur l’homosexualité, et plus encore la transsexualité, tabous dans bon nombre de sociétés à travers le monde. Il y a encore des nations où l’homosexualité est punie de prison, voir même de mort dans le plus extrême des cas.


C’est ainsi par une démarche ambitieuse et surprenante que ‘’Cheonhajangsa Madonna’’ est abordé. Ce qui fait sa force est certainement la manière dont est écrit Dong-ku, présenté comme un lycéen banal, livré aux aléas de l’adolescence, où se mêlent ses propres problèmes. Car ce qu’il vit correspondu au quotidien de nombreuses personnes. Le harcèlement n’étant pas seulement réservé à ceux qui sont considérés comme ‘’différents’’.


Pour une première réalisation, Lee Hae-jun & Lee Hae Young livre une comédie douce-amère, chargée de sens, fort d’une intelligence et d’une bienveillance qui laisse oublier ses failles et maladresses. Inégale mais sympathique, au-delà d’un sujet qui aurait pu vite tomber dans la complaisance la plus fortuite. Ce qui n’est pas le cas, fort heureusement.


-Stork._

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le 11 mai 2020

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