Liliom
6.7
Liliom

Film de Frank Borzage (1930)

Deuxième Borzage et deuxième déception. Ce sont les risques du métier. A ne pas choisir les films, à se jeter tout de go, tout nu dans le vide du hasard, il arrive qu'on tombe sur le nez d'une mauvaise série.

Ce Liliom est un bien étrange objet. Le son vient de faire son apparition. Ou du moins a-on l'impression que les comédiens ne s'en sont pas encore totalement accommodés. J'ai rarement entendu parler aussi faux. Même Farrell, rôle principal, fait penser à un petit garçon qui récite son texte devant la maîtresse et les autres élèves. Mais le pire est dans l'élocution parfaitement factice de Mildred Van Dorn. La mise en scène des comédiens est catastrophique. Il faut voir Farrell déambuler dans les ruelles les mains dans les poches, les coudes relevés, l'air d'un clown alors qu'il joue le fier-à-bras. Il faut voir les les gestes, les postures statiques pour comprendre l'espèce de pénibilité qui en rejaillit. Difficile de regarder sans sourire. De cette médiocrité, la petite Rose Hobart s'en sort plutôt bien que mal. Quelques phrases sonnent faux, on sent la lourdeur du dispositif scénique, on a dû lui dire de bien articuler et de forcer sur les articulations, mais de ci, de là, elle se laisse aller parfois à dire son texte de manière enfin naturelle.
Restent les jeux de regard où les acteurs parviennent à dire beaucoup avec un équilibre entre tempo et sens qui fait merveille. Je pense ici surtout à la scène du café quand Farrell et Hobart se mangent des yeux. Elle lui dit "je t'aime" avec uniquement la chaleur de son regard. C'est d'une beauté, mes aïeux! Petit instant de grâce dans un film de brute. Farrell joue bien le coup aussi. Il reste interdit en voyant dans son regard qu'il est en train de tomber amoureux. Scène somptueuse, magique, malheureusement, c'est bien la seule.

Mais à la décharge des acteurs, il faut constater qu'on a là un scénario particulièrement simplet. Entre mélo, film noir, fantastique et romantisme, le film navigue d'un genre à l'autre. Non sans heurt. L'histoire est abominablement quelconque, boursouflée de ses personnages et ses situations ordinaires, cent fois vus ou lus, où pathos et larmichettes à la guimauve se disputent la place avec force.

Heureusement l'esthétique du film m'a paru captivante, par sa naïveté et les contrastes entre les décors intérieurs plutôt austères et chiches et l'imaginative richesse des extérieurs. J'ose croire également que les créateurs ont pleinement assumé l'aspect carton-pâte de leurs décors que le tournage systématique en studio confère à tout le film. Cela donne à la mise en scène un habit charmant, assure une sorte de velouté à l'image que le dvd de la Fox met prodigieusement en lumière. Le travail d'édition est génial, d'une précision qui m'enchante. Vraiment dommange que le scénario ne me plaise pas, le dvd est incroyablement beau.

Mais décidément, je n'y arriverais jamais je le crains. Comment ne pas éclater de rire quand Hobart, mère, déclare à sa fille qu'être battue et rebattue par son grand amour d'homme ne fait pas mal, parce qu'on s'aime etc...? Je sais bien que c'est un discours symbolique, mais tout de même! Comment ne pas sourire, au moins, quand le personnage de Farrell, décédé, ayant obtenu une chance de se faire pardonner ses crimes en revenant sur terre faire une bonne action, rencontre sa fille qu'il n'a jamais vue et ne trouve rien de mieux que de lui mettre une beigne parce qu'elle refuse de le laisser entrer dans son jardin? Il y a des limites à la crédulité du spectateur, merde! J'ai du mal à croire que le public de 1930 était à ce point demeuré pour ne pas rire à ces incongruités scénaristiques.

Bon, Borzage, je réessaierai. Mais la prochaine fois, je dérogerai à mes promenades au clair du hasard et je choisirai en connaissance de cause un film plus maitrisé. Finis les pique et pique et colegram am stram gram.
Alligator
4
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le 1 mars 2013

Critique lue 366 fois

Alligator

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