Ce film, célébré comme culte par quelques cinéphiles en chambre, est resté d’autant plus mythique pendant longtemps qu’il a été pratiquement pas vu, mais beaucoup commenté !
Le lecteur pressé peut avoir un aperçu de ce très long exercice stylistique (1h58), partagé sur YouTube, en visionnant la sélection de scènes (06’47) proposée également sur YouTube.
J’apprécie en général l’absence d’intrigue (donc de happy end) et surtout que les dialogues soient relativement anodins comme dans la vie réelle. Le jeu des acteurs (langage non verbal du corps : attitudes, gestes, etc.) et le montage suffisent à exprimer par l’image les pensées et les sentiments des personnages. J’exècre en particulier les discours des protagonistes qui nous expliquent, avec mille détails, comment et pourquoi ils ont fait, ils font et ils feront ceci ou cela.
J’ai craqué au premier tiers du film, exactement après l’enchainement totalement artificiel de plans en plongé, en contre-plongé et de nouveau en plongé [38’18]. Je n’ai pas aimé la musique extradiégétique qui n'apporte rien et fatigue sur la durée.
Je partage les propos d’Alligator :
- je ne suis jamais parvenu à me baigner dans ce poème d'images
- Je ne vois qu'un réalisateur qui s'amuse avec sa caméra
- Les partis pris de la mise en scène de Peixoto m'ont paru tellement artificiels que je n'ai pas pu "entrer" dans son monde.
J’ai adoré la réaction d’Artmure : La limite d'une pellicule qui donne à voir l'illimité de la Poésie.
Pour conclure, je livre à votre réflexion cet extrait de l’article publié par The Criterion Collection le 31/05/2017 :
In 1965, Peixoto publicized an article, allegedly written by Eisenstein, praising the film’s “luminous pain, which unfolds as rhythm, coordinated to images of rare precision and ingenuity.” When Mello asked him for the original article, Peixoto handed him a translation in his own handwriting, hiding the original source behind a cloud of contradictory information—at first, he said it had been published in Tatler, a British fashion magazine not known for articles on cinema; later, he said it was from an unidentified German magazine. Mello would later state that, due to the lack of primary sources and of historical evidence that Eisenstein could have attended a screening of the film, as well as stylistic particularities of the text, the article could’ve been written only by Peixoto himself—probably as much an attempt to keep the mythology of the film alive as a gesture of poetic justice on the part of an artist who knew that reality had failed to welcome the grandeur of his own work.
En 1965, Peixoto publie un article, prétendument écrit par Eisenstein, qui vante la « douleur lumineuse du film, qui se déploie sous forme de rythme, coordonnée à des images d’une rare précision et d’une rare ingéniosité ». Lorsque Mello lui demande l’article original, Peixoto lui remet une traduction de sa propre main, cachant la source originale derrière un nuage d’informations contradictoires : il dit d’abord qu’il a été publié dans Tatler, un magazine de mode britannique peu connu pour ses articles sur le cinéma ; plus tard, il dit qu’il s’agit d’un magazine allemand non identifié. Mello déclarera plus tard qu’en raison du manque de sources primaires et de preuves historiques selon lesquelles Eisenstein aurait pu assister à une projection du film, ainsi que des particularités stylistiques du texte, l’article ne peut avoir été écrit que par Peixoto lui-même – probablement autant une tentative de maintenir vivante la mythologie du film qu’un geste de justice poétique de la part d’un artiste qui sait que la réalité n’a pas su accueillir la grandeur de son propre travail.
Bibliographie :
• Límite de Mario Peixoto (1930-1931), La Cinémathèque française - The Criterion Collection - UNESCO.
• Límite: Memory in the Present Tense, The Criterion Collection, 31/05/2017.