C'est le cri de désespoir que jette à sa mère cette jeune fille de 12 ans, Adri, qui se sent garçon dans un corps de fille... Jouée par une étonnante et très sensible Luana Giuliani, Adri est persuadée qu'elle vient d'ailleurs et que quelqu'un va l'écouter dans sa requête; aussi elle s'invente une doublure masculine du nom d'Andrea qui va lui permettra de faire son cheminement...
Il s'agit d'un film autobiographique, le réalisateur ayant fait son coming out de transition transgenre lors de sa sortie...
Nous assistons principalement aux grandes difficultés auxquelles une mère de famille italienne bourgeoise et catholique va être confrontée, à Rome en 70, en plein milieu des "années de plomb".
L'ambiance "vintage" de ces années est très bien rendue, avec des couleurs chaudes et vives tant dans le vaste et cossu appartement familial avec vue sur la basilique St Pierre, que dans les rues de Rome, lors des séjours dans les magnifiques lieux de villégiature ou encore pendant les fêtes de Noël qui réunissent cette riche famille apparemment heureuse...
Clara, cette mère de famille (jouée avec pudeur et sensibilité par une toujours charismatique Pénélope Cruz à l'aise dans toutes les situations du film), est "coincée" entre Felice son mari très dur, violent et volage (Vincenzo Amato terriblement efficace dans ce rôle) et ses 3 enfants auprès desquels elle va tenter de se réfugier. L'affiche du film traduit ainsi d'ailleurs l'IMMENSITE des problèmes auquel elle va devoir faire face...
Clara a accepté depuis longtemps le comportement de son mari, lui-même n'envisageant pas la séparation... Mais le statu quo est de mise dans cette société bourgeoise italienne et patriarcale de l'époque...
Reporter son attention et tout son amour auprès de ses enfants va s'évérer compliqué pour Clara qui voudrait davantage être leur compagnon de jeu et leur apporter sa fantaisie; or la fratrie a besoin terriblement de l'autorité maternelle, d'autant que la recherche identitaire d'Adri met la relation entre tous à fort rude épreuve, y compris avec les deux cadets (Patrizio Francioni et María Chiara Goretti, magnifiquement dirigés), ce qui va conduire Clara à la dépression...
Adri va profiter de la situation pour s'évader, avec l'accord plus ou moins implicite de sa mère, et créer une magnifique relation avec son amie gitane Sara (Penélope Nieto Conti, très juste et attendrissante), qui lui permet de se construire en tant qu'Andrea; cette relation nous apporte des scènes parmi les plus belles et les plus sincères du film...
Dans ce contexte, les situations de danse et de comédie musicale, pour aussi réussies soit-elles, n'ont hélas pas l'effet attendu, sauf pour nous donner l'espoir qu'Adri, par le monde qu'elle se crée, arrivera un jour à réussir sa transition et devenir véritablement Andrea, cet homme épanoui...
Autant la première partie du film est claire dans son intensité dramatique autour de l'identité d'Adri, autant la deuxième partie nous perd avec les problèmes de santé de Clara et sa responsabilité dans ce qui arrive, nous questionnant sur le vrai sens à donner à cette réalisation...
On en ressort avec l'idée qu'Emanuele Crialese est passé à côté d'un grand film, c'est dommage car tous les acteurs jouent juste et l'ambiance de l'époque est vraiment bien décrite...