Si Emanuele Crialese a mis autant de temps pour écrire et tourner L’immensità (Terraferma, son avant-dernier long-métrage, datait de 2011), c'est sans doute parce que le film témoigne de puissantes résonances autobiographiques le concernant. Situé dans les années 70, au cœur de nouveaux quartiers romains, le récit se distingue par son atmosphère davantage que pour de véritables événements dramatiques. Il n'en est pas moins riche de nombreux thèmes (recherche d'identité adolescente, amour maternel, violence conjugale, dépression ...) non pas traités de manière lourde mais avec une réelle subtilité, en les entremêlant, à travers le regard d'une jeune fille qui se sent garçon. Le climat pesant qui règne au quotidien dans cette famille bourgeoise italienne typique de son époque est en effet rehaussé par le choix de couleurs vives, avec une mise en scène pleine de grâce et des intermèdes musicaux délicieux et gorgés de fantaisie (se souvenir que Rumore de Raffaella Carrà est une tuerie). Les deux personnages principaux (fille et mère) sont magnifiquement écrits et sublimement interprétés par Luana Giuliani (touchante) et Penélope Cruz (éblouissante, y compris dans les scènes de danse et de transe). Le rôle de cette dernière, d'ailleurs, de par sa densité et dans sa fragilité bouleversante, rappelle une autre mère inoubliable, celle qui était au cœur du merveilleux Fais de beaux rêves de Marco Bellocchio.