Run chicken, ruuuun !

Les films pour enfants de bonnes qualités se font de plus en plus rare, et il est toujours agréable de tomber sur l'un d'entre eux. Pour les trouver, il faut les chercher aux bons endroits, et l'un des plus sûr reste le Festival d'Annecy. Chaque année y sont appelé le haut du panier de l'animation mondiale, et c'est là que l'on peut voir les meilleurs films d'animation jeunesses, à l'image de Léo cette année ou même Ma mère est un gorille, et alors ? il y a deux ans. Le festival est aussi l'occasion d'y retrouver les poids lourds de l'animation, notamment Sébastien Laudenbach qui revient avec Linda veut du poulet, son second long métrage, accompagné de la réalisatrice italienne Chiara Malta. Le prix a reçu la récompense suprême, devançant des films comme Four souls of coyote, Tunnel to summer, the exit of goodbyes, ou Le Château solitaire dans le miroir.

L'une des questions qui vient lorsque l'on voit les premières images et que le film déploie son dispositif, à base de couleurs vives et de contours très abstraits, c'est si cela pourra durer durant tout le film sans fausse note. Je tiens à rassurer là dessus: le film est exemplaire. Le film est un film pour jeune public, mais qui n'a pas vocation à n'être qu'une histoire ludique, mais un véritable film ludique. Les couleurs et les contours ont leurs propres règles qui s’affranchissent délibérément des standards pour pouvoir jouer avec le spectateur et proposer des moments que l'on n'a jamais vu ailleurs. Souvent, dans l'animation 2D avec très peu de budget (comme dans les séries japonaises ou certaines œuvres d’Europe de l'est vraiment fauchées), on a une logique d'économie qui pousse la réalisation à avoir le moins de détails possibles au niveau du visage pour qu'il soit le plus facilement reproduisible plusieurs fois de suite. Ici, le réalisateur exploite cette manière de faire en apportant des scènes vraiment drôles et touchantes quand, par exemple, les expressions et sentiments d'un personnages peuvent être résumé à un large sourire, ou quand une foule va pour exclamer sa joie et qu'on a des visages qui ne reflètent que de larges sourires. Le film va à la source même de l'émotion pour le rendre le plus pure possible. Cela n'est pas tant une excuse pour faire un travail grossier, et le couple de réalisateur l'a bien compris. On a de nombreuses scènes jouant avec les couleurs, et arrivant à sous-entendre des variations de lumières (dans un monde avec que des aplats de couleurs vives) qui laissent rêveur tant tout est réalisé avec minutie et ingéniosité. Cette logique d'épure, et de retour à un cinéma beaucoup plus simple, se reflète également dans le scénario où tout le monde peut suivre sans qu'il y ait de véritable soucis: Linda veut du poulet, sauf que le seul poulet disponible est un poulet vivant, qu'est ce qu'on fait ? Cela amène des moments véritablement hilarants lorsqu'il va s'agir de trouver un moyen de tuer le poulet, ou de le faire tomber d'un arbre où il s'est retrouvé après être passé par la fenêtre. De cette écriture en boule de neige, le film arrive à être parlant aux enfants avec une histoire simple, mais aussi aux parents qui auront plusieurs niveaux de lectures. Il y a des moments dures qui font relativiser la candeur ambiante car, que ce soit son cadre de vie entouré de barre de béton ou même l'histoire tragique de son père, la vie de Linda est assez triste.

Cependant, qui dit film pour enfant, dit qu'à certains moments le films se sent obligé (à tord) de vouloir créer des points de raccroche, dans le récit, au cas où le jeune public n'arrive pas à apprécier. Cela prend souvent la forme de scènes chantés qui peuvent être intéressante (notamment la première qui a de très beaux moments malgré un début un peu compliqué à aborder), mais qui semblent plus forcée et inutile la majeur parti du temps.

Mis à part cela, Linda veut du poulet est un film fort, touchant, et profondément drôle, qui n'ennuie jamais, et répond à toutes les attentes pour être un grand film.

16,75/20

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