"Basé sur une histoire vraie". C'est par cette promesse et un survol au-dessus de l'immensité des paysages du Madhya Pradesh, en Inde que "Lion" pose ses valises devant nous. Des bagages encombrés d'une promotion n'ayant que les 6 nominations aux Oscars du film et la proclamation d'être le nouveau "Slumdog Millionnaire" (en recyclant son acteur fétiche, Dev Patel) pour vous convaincre d'embarquer.
Une fois à bord, on s'installe dans une rame qui a des odeurs et des couleurs familières. Des jeunes frères inséparables, perdus dans le temps et l'espace d'une Inde fourmilière, en voie de développement. La misère est partout. Le mélodrame lui emboîte discrètement le pas. Fort heureusement il saura se faire oublier par le duo de gamins, éclatants par leur naturel à l'écran, pendant la première partie du film du moins.
Et puis Saroo, laissé sur le quai, fini par s'envoler pour l'Australie pour démarrer le premier jour de sa nouvelle vie : celle d'un enfant déraciné (mais pas trop) adopté par un couple généreux. Oubliés à l'embarquement, la retenue du mélodrame et la subtilité de la mise en scène. "Lion" bascule quasi-grossièrement dans le calibrage du biopic à Oscar(s) "basé sur une histoire vraie". Recette miracle se succédant machinalement avec des qualités évidentes, certes, mais quelle monotonie dans l'audace : "Spotlight" (2016), "12 Years a Slave" (2014), "Le Discours d'un roi" (2011). Allons, allons, Hollywood n'a-t-il en lui que si peu d'authenticité et d'inventivité ?
Pendant ce temps, les paysages continuent de défiler. Notre voyage arrive à son étape clé. Celle qu'on nous a promis comme étant la véritable raison d'acheter notre billet : la phase initiatique de recherches des origines. Prétexte vendu comme un gravier dans une chaussure, le film va commencer à emprunter des itinéraires plus poussiéreux et arides, frôlant parfois la sortie de route.
C'est donc à grands renforts de coups de pouces émotionnels (la bande-son principalement) et d'effets visuels de superpositions entre présent et passé alternatif, une Nicole Kidman jonglant entre excessif et terne, que l'on laissera descendre l'intensité de la première partie sans jamais plus la retrouver. Vaguement cotonneux on se prend à suivre l'adulte avec tiédeur et par sympathie vis à vis du gamin qu'il a été, c'est tout.
Avant de descendre, n'oubliez pas le pré-générique de quelques lignes, destiné à répondre aux dernières interrogations laissées paresseusement par le réalisateur. Dernier ingrédient massue avant de laisser votre carte postale dans la première boîte à lettre pour sur-vendre votre séjour : la réalité succède à la fiction avec des images des véritables protagonistes de cette histoire, s’étreignant avec émotions.
Et voilà que votre train est arrivé en gare, et vous envisagez déjà une correspondance plus dépaysante. En traînant votre bagage sur le quai, perdu(e)s dans vos pensées, rappelez-vous bien que l'important dans un voyage, c'est le chemin, pas la destination : une belle histoire, même si elle est racontée de façon inégale. Après tout, le réalisateur aussi commence tout juste sa route.