Litan est plutôt difficile à appréhender. Le film laisse perplexe pendant une bonne partie et nous ne savons pas si nous sommes dans une chasse au monstre comme pour La Cité de l'indicible peur, si nous sommes au sein d'une société secrète comme pour Les Compagnons de la Marguerite ou dans une allégorie qui dénoncerait le système établi comme pour plusieurs films de Mocky. Au gré des séquences nous voyons se manifester pendant la fête de la saint Litan, dans le décor d’une ville de province pittoresque et de ses alentours plutôt sauvages, du fantastique pur où l’étrange côtoie le macabre. Sur un rythme lent et une mélodie lancinante de Nino Ferrer et avec une réelle recherche esthétique au début qui va être abandonnée par la suite, j'ai cru comprendre qu’un couple de touristes était poursuivi à la fois par la police, par des bandits avec des masques de cochons et par des zombies qui ont pris possession du village, ce qui est vraiment pas de chance, un cas d'école où quelqu'un se trouve au mauvais endroit au mauvais moment, alors que dans les ruisseaux des vers des eaux luminescents dissolvent les malheureux qui tombent à l’eau.
Litan est un film d’atmosphère inquiétante où des morts violentes s’enchaînent et où de multiples personnages apparaissent puis disparaissent sans plus d’explications, une fanfare de Fantomas vêtus de rouge, des scouts à la recherche d’un monstre, des bandits aux masques de cochons, des fous dans un asile, des figures grotesques et donc d’étranges vers luisants aquatiques qui infestent les cours d’eau comme des E.Coli dans la Seine.
Mocky semble avoir eu du mal à trouver un fil conducteur à son film. Le film donne l’impression qu'il n'y a pas de script (je pense que par respect pour le patrimoine d'Annonay le script consistait en des feuilles de papier Canson vierges), ce qui aurait forcé le réalisateur à improviser chaque matin. Quelques incongruités sont aussi à noter dans le casting.
Nino Ferrer joue le rôle d’un docteur probablement à la suite d’un malentendu, (il aurait été pris alors qu’il attendait là pour présenter la BO du film), et un rôle d’assistante du docteur tout à fait inutile a été réservé à Madame Mocky, sûrement pour éviter les scènes de ménage. Une quantité d’acteurs inconnus sélectionnés pour leur physique inquiétant jouent les seconds rôles (j’ai cru reconnaître Jean-Pierre Coffe ou Silvio Berlusconi, mais c’était probablement des sosies). Le film a été tourné à Annonay, jolie ville au demeurant, c’est pour cela que certaines scènes sont filmées à l’intérieur d’une tannerie. Le plus difficile a dû être de trouver une fin qui synthétisait les multiples directions du film, et donc on demandé à Madame Irma qui après avoir consulté sa boule de cristal a confirmé que les rêves des morts leur permettent de rester à moitié vivants, ce qui n'a pas vraiment de rapport avec le reste du film.
Litan est l’une des œuvres les plus singulières de Mocky et même du cinéma français. Par là-même, les mots fantastiques et français étant incompatibles à cause du parti pris de beaucoup de critiques, le film est sorti dans l’anonymat avant de rester relativement méconnu. Il mérite pourtant une petite place dans le sous-genre « étrange » du cinéma fantastique.