Quand un journaliste interroge le dernier survivant de la bataille de Little Big Horn, il ne se doute pas une seule seconde qu'il se trouve devant la représentation même des Etats-Unis.
Little Big Man, nom que Jack Crabb recevra des Cheyennes, illustre à la perfection ce qu'il est véritablement : un homme de contradiction. Crabb est en effet tiraillé entre ses origines de colons et son adoption par les Cheyennes. Il ne saura jamais où se situer dans ce monde qu'il décrira "trop ridicule pour y vivre". Cynique, ce film l'est à coup sûr. Il s'agit d'une sorte de FORREST GUMP avant l'heure mais avec un ton acide, caustique. Crabb, personnage simple et d'une belle humilité interprété par un Dustin Hoffman au sommet, vit l'Histoire comme un témoin, un être parmi tant d'autres mais néanmoins actifs. Il vit là où les évènements l'emmènent et retrouvent à différentes étapes de sa vie des personnages qui forgeront sa personnalité. Même si ces péripéties ne sont pas toujours bien amenés, on ne peut qu'être ébahis par la maîtrise de Penn pour dépeindre les fondements d'une Amérique clivante et destructrice. Il réhabilite avec fougue les Amérindiens, les Êtres Humains comme ils s'appellent eux-mêmes, face à la barbarie incompréhensive des colons. Penn y mélange les tons nous faisant naviguer entre l'humour (la période pistolero de Crabb) et la terreur (terrible séquence d'un massacre hivernal), et oppose des thématiques plutôt simple de manière subtile : le Bien et le Mal, l'innocence et la culpabilité, les paroles et les actes.
Avec ce film, Arthur Penn tire à boulets rouges sur les contradictions de l'Amérique, ses fondations, sa morale, sa perversion. Et bien que quelques défauts pourront amenuir la grandeur du long-métrage, il s'en dégage suffisamment de cœur et de cinéma pour marquer durablement.