À mourir d'ennui

Si ce film n'avait pas fait partie de la liste Sens Critique des 100 meilleurs films en "found footage", je ne l'aurais pas regardé, parce que rien qu'en voyant l'affiche et les personnes ayant travaillées sur le film, on se doute que ce ne sera pas un grand film.

Si désormais la télé-réalité ce sont juste des gens qui se font passer pour bête en se harcelant/agressant h24, afin de buzzer et devenir des influenceureuses téléachat, à l'époque, une bonne moitié des programmes de télé-réalité étaient des Fear Factor, Survivor, Koh-Lanta ou autres programmes qui proposent le dépassement de soi (à-t-on gagné au change ? Chacun jugera). Dans ce contexte, le film se veut donc être une dénonciation de la télé-réalité et de sa course au sensationnel. Alors oui, Katy la productrice (Eva Mendes) ne pense qu'à l'audience, à être pionnière en son domaine, n'a pas de morale, bla bla bla argent, bla bla bla pouvoir, bla bla bla célébrité. Par conséquent elle essaie de convaincre tout le monde du bien fondé de faire une émission de roulette russe en direct à la télé, et elle y arrive.

L'ensemble du film est construit en deux temps déséquilibrés, la préparation de l'émission (de son pitch jusqu'à la promo) puis l'émission. Ainsi le film nous montre l'amourette naissante entre Katy et Rex (David Krumholtz) un réalisateur débutant, des micros trottoirs de téléspectateurices disant leur soutien à tel ou telle candidat·e, ou l'intégralité des portraits de toustes les candidat·e·s en mode premier degré pour essayer de faire naitre en nous le stress de savoir qui de Brad ou Rick va mourir. Sauf qu'on s'en fout royal ! Et par ces choix de narration creux, le film loupe très souvent l’opportunité d'instants pour aborder son sujet, en questionnant plus sérieusement la moralité d'une telle émission et les enjeux qui vont avec, par exemple :

• Qu'ont-iels prévus lors de leurs réunions de pré-prod si le tir fatal à lieu au premier coup de feu ?
• Qu'ont-iels prévus pour se prémunir d'un pétage de plomb de dernière seconde sur le plateau d'un·e candidat·e, qui pourrai potentiellement décider par exemple de vider le chargeur sur les autres ?
• Ont-iels prévus de tout de même faire tirer lae dernier·ère candidat·e si toustes les autres avant ont échappé·e·s à la mort, donc que l'on est sûr à 100% de l’issue fatale de ce dernier tir ?
• Le film suggère qu'il n'y a aucun support psychologique pour les proches dans le public des candidat·e·s ? Cela paraît inconcevable, et être un ressort pour épaissir grossièrement une mauvaise critique de la télé-réalité.
• Plein d'autres questions sont survolées en une ou deux minutes grand max, comme la question des spectateurices mineur·e·s, le passage devant l'équivalent CSA, le rapport avec lae législateurice, etc, à chaque fois la réponse est en gros «pognon» et/ou «liberté d'expression».

Toutes ces questions sont éludées, et donc le film ne porte pas de réflexion sur l'existence réelle et plus ou moins problématique de certains programmes, ne nous questionne pas dans notre voyeurisme en tant que spectateurice, de notre rapport aux images, etc. Les enjeux d'une telle émission et les arguments pour ou contre avancés dans le film restent simplistes et succinct, tandis qu'on a pas attendu la télé-réalité pour réfléchir à tout cela. La mort de Lady Diana 10 ans avant ce film posait déjà ces questions et avait, du moins en France, poussé le débat assez loin sur ces sujets. En 1980 le film « Cannibal Holocaust » traite superbement du sujet ("found footage" lui aussi), tout comme « Peeping Tom » en 1960, pour ne citer que ça. Ici c'est juste une caricature mal écrite d'une productrice avide de gloire qui fait une émission de merde (rien que dans sa forme déjà). Tellement mal écrit que si vous avez le courage d'aller jusqu'au bout du film vous aurez la joie de voir cette scène où Katy est prise de remords quasi instantanément après la mort du candidat, se sent responsable, mais il suffit de trente secondes pour la rassurer avec « personne ne l'a forcé à jouer, allez vient on va profiter du succès »…

Ce n'est pas un "found footage" au sens strict du terme puisqu'on n'a pas retrouvé (found) des séquences (footage) filmés par une personne ou un groupe qui a disparu. Mais c'en est un au sens plus large qui inclus les "mockumentary" (documenteur). Mais c'est un "mockumentary" particulièrement mauvais, puisqu'il ne parvient pas à analyser ou commenter la réalité, et passe donc à côté de son intention, de son essence même, et reste un médiocre divertissement comme ce qu'il dénonce.