Quatre ans déjà que Bustillo et Maury nous réconciliaient avec le cinéma de genre français en nous livrant l'intense A l'intérieur. Quatre ans et beaucoup de projets outre-Atlantique avortés plus tard comme le remake d'Hellraiser ou la suite d'Halloween, les voici donc de retour avec Livide. Les deux réalisateurs n'hésitent pas à qualifier leur nouveau métrage de conte fantastique, et il est vrai que bien loin de l'horreur viscérale de leur premier film, le changement de registre est net. On y suivra Lucie qui, avec son petit ami et un copain, partent en virée dans une vieille maison perdue dans les landes bretonnes. Un peu pour se foutre la trouille, surtout pour mettre la main sur le trésor prétendument caché par la propriétaire encore dans les lieux, plongée dans le coma. Un scénario qui n'interpelle pas de premier abord par son originalité, chose qui se confirmera dans la première partie du film.
L'exposition des protagonistes est en effet longuette, séquences les moins brillantes de Livide : dialogues un peu poussifs, personnages masculins inconsistants, on ne peut attendre qu'avec impatience qu'ils débarquent enfin dans l'obscure baraque. Et une fois qu'ils y ont mis les pieds, nous sommes effectivement entrainés dans un étrange mélange de situations horrifiques et d'univers fantastique onirique à l'instar de celui que l'Espagne nous a livré ces dernières années. Mais ici encore, on regrettera à la fois le manque de rythme et l'absence d'unité dans le scénario qui, avec trop de pistes lancées, laisse l'impression d'un ensemble brouillon.
Heureusement, la mise en scène imaginative et soignée permet de passer outre. Les deux comparses semblent avoir voulu renouer avec un cinéma fantastique traditionnel où se développera un bestiaire aussi effrayant que poétique et où la maison deviendra figure centrale. Non sans rappeler le traitement architectural d'Argento (les escaliers sans fin ou les portes qui se dérobent), chaque pièce renferme une ambiance particulière que les flashbacks viendront expliciter sans en enlever le charme. Marc Thiébault a d'ailleurs largement mérité son prix à Stiges pour le travail sur les décors. Notons également que Livide doit beaucoup au très beau travail sur la lumière effectué par Laurent Barès, redonnant enfin tout son aspect photogénique au sang et permettant du même coup aux scènes plus gore de s'intégrer parfaitement à l'atmosphère quasi romantique.
Si Livide est donc un film aux qualités esthétiques indéniables, il ne se résume cependant pas à cela. Bustillo et Maury dans leur évolution n'ont pas oublié les thématiques qui leur sont chères : la féminité et la maternité. Les deux Chloé – respectivement Chloé Coulloud et Chloé Marcq – livrent une performance tout en justesse, gracieuses jeunes femmes étouffées chacune par des figures maternelles. Marie-Claude Pietragalla, l'une d'elle, est d'ailleurs glaçante en professeur de danse intransigeante. Les dernières minutes du film s'attardant sur la curieuse relation que les deux filles vont nouer éloigne du fait doucement le métrage du réalisme pour l'emmener sur un terrain plus symbolique, ce qui lui permet de clore sur un final resplendissant.
Dommage alors que les deux réalisateurs n'aient pas fait le choix de ce lyrisme tout au long de Livide, ce qui lui aurait permis de se détacher d'histoires secondaires plombantes pour se concentrer sur l'essentiel. Il n'en reste pas moins que dans le morne paysage fantastique français, ce film fait une fois encore figure d'exception, explorant avec une réelle sincérité des mythologies angoissantes. Un nouvel essai pas entièrement convaincant mais sans hésitation prometteur.