Une fois de plus, je ne savais pas de quoi parlait le film. Je pensais que c'était plus vieux que ça déjà. Ceci dit je suis surpris, en voyant le film je pensais que c'était sorti dans les années 70 alors que c'est sorti la décennie précédente. "Far from the Madding Crowd" m'a un peu rappelé "Downton Abbey" dans ses thèmes, dans la façon de traiter la société à cette époque, dans le rapport entre les personnages. Je préfère de loin le film qui est nettement plus intense et jusqu'au-boutiste, moins maniéré. Les ragots sont ici vraiment moteurs d'une histoire. Et puis, si le film dure trois heures, c'est tout de même moins, beaucoup moins que 4x10 épisodes de 50 minutes (sachant que le bonus de Noël dure plus d'une heure).

J'ai pourtant eu beaucoup de mal à entrer dans cette histoire. Au début, il ne s epasse pas grand chose, les objectifs sont flous et l'on ne sait pas avant 40 minutes où l'on va. Ce sont les personnages qui vont porter l'intrigue. À mesure qu'on apprend à les connaître, on comprend quels sont les enjeux. Le personnage de Julie Christie est une femme difficile, contradictoire, qui cherche l'amour et qui en même temps fait tout pour ne pas l'avoir. Elle fait tomber les hommes par sa grande beauté, mais sa vanité l'empêche d'en jouir pleinement. C'est comme si elle aimait se faire du mal. Ce qui fait que le film fonctionne vraiment, c'est qu'il y a une réelle évolution des personnages au fur et à mesure que l'on avance. Ce sont les relations entre les personnages qui font que l'histoire passionne. Le rapport entre eux est différent à la 30ème, à la 100ème, à la 150ème minute. Il y a un constant renouvellement. En plus, l'auteur ne se contente pas de nous narrer une histoire d'amour (car c'est bien un film sur l'amour avant toute chose), il se permet, avec aise, de témoigner de la vie d'époque, la vie d'un sujet. Ce n'est pas anodin. De la sorte, l'auteur rejoint son thème de l'amour : l'assujetisation. Reprenons.

Les couples se font et se défont en fonction d'un rapport de force (qui n'est pas sans rappeler les théories de Tardes que l'on retrouve même dans l'oeuvre de Henry James) ; parallèlement la maîtresse est en constante interrogation sur sa façon d ese comporter, sur ce que peuvent percevoir d'elle ses serviteurs. De la sorte, elle ne fait jamais que leur donner un pouvoir sur elle. Le dominant est dominé ; sans dominant, pas de dominé, sans dominé, pas de dominant.

La reconstitution est pertinente. On se sent vraiment vivre parmi ces fermiers. Les acteurs sont également assez bons. Julie Christie est toujours aussi belle. Le découpage est sobre, la caméra est le plus souvent discrète, amis il y a quelques passages en caméra portées assez intéressants, puisqu'ils rappellent une imagerie des années 70 (que le grain renforce), alors qu'en fait, Schlesinger filme ça dans les années 60. Ce n'est pas une avancée majeure, mais c'est surtout étrange d'adopter un tel style pour traiter d'un tel sujet : à priori, j'aurais opté pour un découpage théâtral, au lieu de ça, Schlesinger décide de se placer au plus près de ces corps.

La fin du film, pour en revenir au scénario, m'a un peu déçu. Ça m'a paru un peu facile comme manière de conclure. J'ignore si c'est aussi expéditif et facile dans le livre. Ce qui est sûr, c'est que l'inspiration d'un livre ne fait pas le moindre doute, et je trouve que Schlesinger réussit brillament à transposer tout l'aspect introspectif des personnages par le silence. Dans un livre, on est constamment dans la parole, si ce n'est directement dans la tête d'un personnage, c'est par le biais d'un narrateur omniscient. C'est très difficile donc de rendre compte de tous les états d'âme dans un film du fait qu'une phrase prend bien plus qu'une image sur pellicule. C'est donc par le comportement, simplifié, et par le silence qu'un réalisateur doit arriver au même résultat. Forcément il doit prendre des raccourcis, mais ce doit être dans un souci d'efficacité. Schlesinger y parvient, sauf dans les dix dernières minutes.

Bref, "Far from the Madding Crowd" est un film long, au rythme lent, mais au sujet intéressant et délicieusement traîté, grâce à de bons personnages. J'ignore quelle est la part de fidélité par rapport au roman, mais ce n'est pas très important ; l'important c'est que l'histoire tienne en elle-même. Et "Far from the Madding Crowd" est un film qui tient très bien.
Fatpooper
8
Écrit par

Créée

le 24 déc. 2013

Critique lue 845 fois

3 j'aime

Fatpooper

Écrit par

Critique lue 845 fois

3

D'autres avis sur Loin de la foule déchaînée

Loin de la foule déchaînée
AMCHI
10

Le romantisme à l'anglaise

Film romantique à l'anglaise d'une beauté éblouissante avec une ravissante Julie Christie, entourée de 3 excellents acteurs incarnant chacun un de ses prétendants. La durée du film n'est nullement...

le 20 nov. 2015

2 j'aime

3

Loin de la foule déchaînée
Maqroll
7

Critique de Loin de la foule déchaînée par Maqroll

Fresque romanesque adaptée de Thomas Hardy, ce film bénéficie d’une interprétation de classe avec Julie Christie faisant tourner la tête de trois hommes très différents, interprétés par Terence...

le 14 juil. 2013

2 j'aime

Loin de la foule déchaînée
Paul_Gaspar
9

Tribulations amoureuses d’une femme indépendante

Sorti dans un relatif anonymat en 1967, Loin de la foule déchaînée est l’adaptation d’un roman de Thomas Hardy paru en 1874. L’intrigue raconte les tribulations amoureuses d’une femme (l’épatante...

le 13 avr. 2021

1 j'aime

Du même critique

Les 8 Salopards
Fatpooper
5

Django in White Hell

Quand je me lance dans un film de plus de 2h20 sans compter le générique de fin, je crains de subir le syndrome de Stockholm cinématographique. En effet, lorsqu'un réalisateur retient en otage son...

le 3 janv. 2016

122 j'aime

35

Strip-Tease
Fatpooper
10

Parfois je ris, mais j'ai envie de pleurer

Quand j'étais gosse, je me souviens que je tombais souvent sur l'émission. Enfin au moins une fois par semaine. Sauf que j'étais p'tit et je m'imaginais une série de docu chiants et misérabilistes...

le 22 févr. 2014

120 j'aime

45

Taxi Driver
Fatpooper
5

Critique de Taxi Driver par Fatpooper

La première fois que j'ai vu ce film, j'avais 17ans et je n'avais pas accroché. C'était trop lent et surtout j'étais déçu que le mowhak de Travis n'apparaisse que 10 mn avant la fin. J'avoue...

le 16 janv. 2011

107 j'aime

55