Vu en avant-première la version restaurée de Lola Montès, avec ses dialogues et ses couleurs d'origine pour ce dernier film d'un cinéaste qui aura su représenter mieux que quiconque ces grandes amoureuses trahies par les hommes mais surtout par elles-mêmes.


Couleurs éclatantes, décors chargés, costumes flamboyants pour celle qui fut l'une des danseuses et surtout courtisanes les plus adulées du XIXe siècle : Lola Montès devenue Comtesse de Landsfeld grâce à son royal amant Louis 1er de Bavière, réduite à revivre sa scandaleuse carrière dans un cirque, mimant ses triomphes et sa déchéance sous la houlette d'un ameuteur de foule, écuyer complice et complaisant.


Voilà l'attraction que tous les hommes attendent, leurs yeux rivés à cette femme engoncée dans sa lourde robe d'apparat présentée comme



un fauve cent fois plus meurtrier que ceux de la ménagerie, un monstre sanguinaire aux yeux d'ange.



Comment ne pas évoquer à l'instar de cette femme exhibée dans une cage dorée , devenue le jouet, la marionnette dont on s'amuse, le monstrueux Elephant Man ou la Vénus noire qu'on n'a de cesse de toucher, de palper, êtres différents et fascinants offerts en pâture à la cruauté et au voyeurisme humain.


Martine Carol, bien loin de l'objet sexuel qui avait fait sa réputation et son succès est d'autant plus bouleversante dans ce personnage de femme tombée de son piédestal qui assiste d'un oeil absent à sa déchéance, étrangère à elle-même et aux autres, revivant de façon tragique, chaque soir, le spectacle de sa gloire et de sa chute, attendant, victime en sursis, le grand plongeon dans le vide qui lui sera sans doute fatal un jour.



Cet enfer n'est pas celui qui guette les filles perdues. C'est celui où l'amour et l'argent s'échangent indifféremment, où la célébrité est une marchandise. Sorte de 8 ½ où le trafic des sentiments et du plaisir se monnaye, l'histoire d'un fantôme, Lola Montes est surtout le récit d'une agonie!



On sent à quel point Ophüls s'est investi dans cette dernière réalisation sujette à tant de déboires et qui reste inoubliable même si elle ne compte pas au nombre de mes préférées.
Histoire d'un romantisme tragique, bel hommage rendu au cinéaste disparu deux ans après son film, en 1957.


Et pour terminer sur une note un peu moins sombre laissons la parole à Baudelaire dans ce quatrain écrit peut-être en pensant à Lola Montès, belle parmi les belles, et qui renvoie d'abord au célèbre tableau de Manet:



Entre tant de beautés que partout on peut voir,
je comprends bien amis, que le désir balance,
Mais on voit scintiller en Lola de Valence
le charme inattendu d'un bijou rose et noir.


Aurea

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