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Concernant Fanny Ardant, tout le monde n'est pas nécessairement semblable à Vincent Delerm, adorateur de l'actrice et entretenant avec elle une "relation comme ça". On peut même être agacé par sa façon de surjouer la féminité, sur fond d'airs ravageurs...


Devant cette Lola, issue de la métamorphose transgenre d'un drôle de père, d'emblée très absent de la vie de son fils, ces réticences ne peuvent que fondre. Avec un courage certain et une audace qui force l'admiration, Fanny Ardant tire parti de sa haute taille, solide, et de ses traits anguleux, pour endosser le rôle d'une femme qui aurait été, auparavant, un homme, Farid. Les rides elles-mêmes et les marques du temps, durcissant les traits, sont mises au service de cette ambiguïté sexuelle. Dès lors, toutes les outrances de jeu sont permises et trouvent leur justification, puisque cette femme à l'identité fragile et volontiers contestée, danseuse de son état, doit naturellement surligner, à grands traits de khôl et dans ses manières, une féminité si chèrement acquise.


Surtout lorsque déboule, parmi les demoiselles frétillantes auxquelles Lola transmet son art de la danse orientale, un beau jeune homme, aussi brun qu'elle (Tewfik Jallab, parfait en Zino), et qui se dit son fils, lancé à sa recherche suite à la mort brutale de sa mère. Très subtilement, le scénario charge ce personnage d'incarner, parfois durement, toutes les réticences qui peuvent se manifester face à de pareilles transformations, s'arrogeant le droit de "rectifier le travail de Dieu", ainsi que Lola le clame elle-même. Non moins subtilement, de rendez-vous manqué en rendez-vous forcé, et grâce à l'intercession d'une tante joyeusement compréhensive, une évolution va se voir ménagée, conduisant à une acceptation de cet autre redoublé, puisqu'il a lui-même choisi de devenir autre. Au passage, Nadir Moknèche n'aura pas dédaigné d'attirer notre attention sur les abîmes frôlés, comme lorsque Zino rejette d'autant plus violemment ce père devenu femme que celle-ci est des plus charmeuses et risquerait simplement de ne pas lui déplaire suffisamment...


Nadir Moknèche trace donc ici l'histoire prenante et émouvante d'une double évolution, qu'il accompagne très judicieusement de magnifiques airs baroques, aériens et nostalgiques, chantés par des hautes-contre qui expriment toute l'ambivalence des états traversés.

AnneSchneider
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le 9 août 2017

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Anne Schneider

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