Le cul entre trois chaises
Comme l'ensemble de ses confrères, William Monahan s'est dit que s'il savait écrire des scénarios, les mettre en scène ne devrait pas être beaucoup plus compliqué. Pas de chance, il s'est planté sur les deux tableaux.
L'histoire met en scène une ancienne petite frappe (Colin Farrell, à l'aise dans l'exercice comme à son habitude) qui sort de trois années de prison après s'être retrouvé au mauvais endroit, au mauvais moment. Le sieur veut se ranger, un patron de la pègre locale, impressionné par ses costards et ses ballz of steel, en a décidé autrement, l'histoire classique. Sauf si l'on rajoute à l'équation une star du cinéma un peu déphasée (Keira Knightley), vivant en ermite loin du show business et de la presse à scandales, qui a besoin d'une homme à tout faire dans sa maison. Farrell, à mi-chemin entre Tony Danza et le Kevin Costner de Bodyguard, se retrouve donc en homme à rien faire chez la starlette afin de se racheter une conduite, tout en étant pressé par ses anciens pairs de revenir dans le milieu.
Voilà le scénario dans les grandes lignes, qui aurait pu être correct (même si vu et répété des centaines de fois) si Monahan n'avait pas essayé de se la jouer dramaturge mafieux façon James Gray. On se retrouve donc face aux chroniques d'une Londres criminelle et pouilleuse où la multiplication des intrigues ne sert qu'à tromper l'ennui et perdre le spectateur dans une trame déjà bien dense à la base. Est-ce une romance, un polar, les deux ? Impossible de savoir, tant le film fait de grands écarts entre les deux, sans jamais vraiment approfondir ni l'un, ni l'autre.
Le film n'a pas grand-chose d'autre pour lui par ailleurs, malheureusement. La mise en scène est tapageuse et se contente d'innombrables plan fixes et de rock indé très fort pour paraître cool et classieuse. Les dialogues naviguent entre le cliché, le pompeux et parfois le lucide (quand Keira Knightley dit que les rôles féminins ne sont utilisés que pour mettre en valeur le rôle masculin, c'est assez clairvoyant par rapport à sa propre position dans le scénario du film). Le plus frustrant dans tout cela, c'est quand l'on sent que le film commence à emprunter une direction intéressante, et qu'il fait demi-tour à mi-chemin pour repartir dans l'autre sens. Parce qu'il y a quand même un matériau de base (le scénario est tiré d'un bouquin, qui je l'imagine doit être un peu moins décousu), une histoire classique mais efficace a priori, des personnages potentiellement charismatiques et des ressorts dramatiques qui fonctionnent, mais rien de tout cela n'est exploité pleinement. La moitié du casting semble d'ailleurs aux abonnés absents, et l'autre moitié ne déborde pas de motivation non plus.
Á force de vouloir caser trop de choses à la fois, Monahan a fait imploser son film, c'est dommage car avec un peu plus de maîtrise on aurait pu avoir un film correct (mais pas transcendantal). En lieu et place, on se retrouve avec un rejeton difforme entre In Bruges et We Own the Night pas vraiment passionnant. Qu'est-ce qu'il reste ? La photographie, pas trop dégueu, la musique, David Thewlis et Colin Farrell à la limite. C'est suffisant si vous en avez marre de Chasses & Pêche quand vous n'arrivez pas à trouver le sommeil, ceci dit.