Vous vous en doutez : réaliser un film sur le voyage dans le temps c'est pas évident. Faut d'une part laisser une fonction utile à cet artifice dans votre récit tout en empêchant celui-ci de solutionner tous les problèmes que vos protagonistes auront à résoudre pour rendre l'histoire intéressante.
En somme, sortir la carte voyage dans le temps c'est comme se gratter le nez avec le canon d'un Magnum à la gâchette hyper-sensible. C'est classe quand cela ne vous explose pas en pleine tronche.
Looper repose sur un pitch faussement futé : "et si la mafia - chassée telle qu'elle l'est dans un futur cyberfliqué - utilisait des machines à voyager dans le temps pour se débarrasser des cadavres générés par leur business-model". Simple, efficace; limite une bonne idée.
Rian Johnson, le réalisateur/scénariste du film, a décidément trouvé quelque chose de vendable. Oh, son pitch s'écroule progressivement sur lui-même au fur et à mesure qu'il l'applique en pratique.
Mais c'est un peu normal; c'est un film à usage unique. Je vous explique...
Joseph Gordon-Levitt incarne un Looper, un porte-flingue du passé payé pour refroidir les quidams envoyés vers lui à partir d'un futur d'une présence rare. Au milieu d'un champ, il les attend. Puis, pop, ils apparaissent menottés et cagoulés. Il lui suffit alors de leur décharger son tromblon dans le bide, récolter l'argent disposé sur leur dos, se débarrasser du cadavre ainsi généré; c'est un boulot d'une simplicité évangélique. Jusqu'au jour où l'on lui expédie... sa propre petite personne du futur. Et oui, tout Looper doit un jour boucler son propre paradoxe temporel en emportant avec lui dans la tombe toute trace des crimes commis.
Comme de bien entendu, sa personne future est jouée par un Bruce Willis sauvage. (Ce qui nous explique l'affiche du flim ou deux acteurs adossés à une explosion d'énergie bleue qu'on ne voit pas dans le film surplombent un titre à la typographie Lostéenne).
Envoyé sur place par des commanditaires auxquels il tente d'échapper; le Looper âgé devra expliquer au jeune con qu'il était en quoi ils doivent changer le futur afin de sauver la vie de sa charmante femme qu'il n'a pas encore rencontrée et bla et bla.
C'est là que le film se déchire un quadriceps en laçant ses pompes.
Il vous explique à grand fracas qu'on ne peut plus tuer personne dans le futur car les "technologies GPS" se sont tellement développées qu'aucun meurtre ne peut finir impuni. Sauf, évidemment, quand le déroulement du scénario le nécessite absolument...
On tente de vous faire oublier toutes ces faiblesses dans une scène très simple. Face à face avec lui-même le Looper s'explique à qu'il ne faut pas trop s'inquiéter des paradoxes que tout ceci va générer. A demi-mots l'on nous dit à nous le spectateur de ne pas trop chouiner, c'est qu'un film. Qu'on devrait être content de voir une idée vaguement nouvelle éclore devant nos yeux. Cependant le spectateur aguerri ne peut s'empêcher de se dire que décidément ce n'est que Terminator en moins efficace; avec l'un ou l'autre choix moral à douze balles lâché au milieu du bazar pour qu'on évite de penser que le protagoniste est un réel enfoiré.
Mais le réel malheur de Looper c'est que sous son scénario faiblard se cache un univers cohésif créé avec talent par une armée d'artistes, des performances solides aidées par des dialogues efficaces, quelques réelles idées de réalisation qui sans être spectaculaires d'audace font quand même plaisir à voir. Pour être franc l'univers de ce film est sans-doute le premier futur un brin original qu'il m'ait été donné de voir depuis Blade Runner.
C'est dire si c'est triste de le voir utilisé dans un de ces films jetables qui perdent toute forme d'intérêt dès que l'on a vu sa fin.