Il n'est pas impossible que le nom de ce long métrage puisse remporter la palme du «titre-à-deux-balles-qui-permet-le-plus-de-jeux-de-mots-pourris» depuis l'invention du cinéma. On ne va pas les énumérer ici, mais entre la traduction de «boucle», et les ratages en série que ce film propose de vous faire partager, vous allez être servi(e).

Pourtant présenté en grande pompe, gavant l'avide spectateur(trice) que vous êtes de nombreuses bandes annonces et autres teasers improbables à chacune de vos visites dans les salles obscures, à chacune de vos visites sur des sites internet un tant soit peu technos, augurant d'une audacieuse tentative de voyage temporel, Looper se voulait être le chantre d'une science fiction élitiste et populaire, ambitieuse et grand public. Comme si ces oxymores n'en étaient plus, Looper voulait réunir tous les publics sous un même chapiteau, celui où se partage le pain de la réussite intelligente et intelligible.

En ce sens, Looper n'est pas sans faire penser à un autre film qui avait le même but et qui, bien entendu, s’est gaufré sur le chemin qu’ils s’était tracé, Inception.

Rian Johnson nous expose donc son aventurette, sa version de l’aventure temporelle, qui tient plus de l’actioner un poil stupide, se reposant sur des bases savamment instables, que sur le film d’introspection et de la théorisation d’un conditionnel futur complexe. Joseph Gordon Levitt, empâté et maquillé comme une voiture volée se pourchasse lui-même dans le but de sauver une portion de vie rêvée dont son soi du futur lui dit qu’elle ne vaut pas la peine, en l’état, de l'être, avec une rhétorique presque convaincante, mais un peu idiote malgré tout.

L’histoire n’en faisant qu’à sa tête, on découvre en version accélérée ce que le futur avait prévu pour son présent. Trente années à travers un futur de plus en plus futuriste, pour en arriver à tristement et bêtement boucler la boucle, sacro-saint Graal des scénaristes qui, se gaussant des dialogues ridicules et un brin arrogants qu'ils imposent au spectateur (vous), devant l’assiette de frites et oeufs brouillés et les demandes du jeune héros pour le vieux sur le fonctionnement de la mémoire et des conséquences des actes dans le futur et sur sa propre personne, n’ont rien trouvé de plus respectueux que d’envoyer balader tous les questionnements et toute justification théorique sur l’autel du «on n’a pas le temps, franchement».

Tout le reste du film ne conduit qu’à un final pauvre et mal fichu (bien que surprenant, mais pas de manière agréable). Comme dans beaucoup de productions à bases de manipulations temporelles, on aboutit à des boucles initiées dans le futur et se finissant... Dans le futur. Ici comme ailleurs (Universal War 1, nous te saluons), le futur s’auto-génère et s’auto-justifie. L'avenir se modifie en temps réel, sauf lorsque le spectacle le réclame : tout l’édifice s’écroule alors comme un château de cartes bidon, frustrant tant le spectateur d’une histoire cohérente que le curieux qui avait apprécié, une heure trente plus tôt, l’encart accéléré et se voit privé de sa conclusion logique.

Looper passe à côté de toutes ses qualités, s’embourbe dans un scénario à la con (dans le futur, c’est la merde, parce que plus tard encore, un type retournera dans le passé pour zigouiller un grand vilain qui n’existe pas, et le créera au passage, youpi), s’entoure d’éléments saugrenus mal à propos (coucou la télékinésie) mais bien pratiques pour «boucler la boucle» sans trop réfléchir, se pare d’atours pénibles (Lens flare et contre jours, couleurs criardes et photo fade), et s’achève dans un tour de passe-passe qui satisfait les hipsters en mal de sensations vintage à l’aide de McGuffins qui tirent, en fait, tout le film. Vers rien.

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le 1 avr. 2013

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hillson

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