Ce film, a bien des égards, a ses limites... Sans vouloir répéter tout ce qui a été dit dans les autres critiques, je cite rapidement l'exploitation excessive peut-être du registre dramatique, à travers notamment la scène du duel, et les accès de colère répétitifs de Paulie. Oui, il est vrai que ces quelques éléments, ajoutés aux clichés américains que l'on retrouve dans ce genre de films, peuvent laisser penser à une mauvaise romance dramatique à la Roméo et Juliette : l'amour impossible à cause de la famille de la "queen" Victoria, qui n'est pas très ouverte d'esprit. Mais ce film tient une profondeur bien plus profonde... Si ces quelques limites que je viens d'évoquer vous empêchent de profiter du visionnahe : tant pis pour vous ! Mais cela serait passer à côté de l'essentiel.
Ce qui m'a émue dans ce film, ce n'est pas tant le fait que ça soit une romance saphique : au contraire, le choix de traiter le thème du chagrin amoureux indépendamment de l'homosexualité est judicieux. Comme l'a dit Paulie : “i'm Paulie in love with Tory (...) and Tory is in love with me (...) and neither of us are lesbians !” ; alors sa colère prend une dimension tout à fait différente : elle n'en fait pas une rébellion, un coup d'état contre les mœurs et les limites de la société et du regard des gens, elle se moque de ce que les gens pensent, ou de l'étiquette posée sur sa relation ou son orientation sexuelle, non, ce qui l'intéresse, c'est la personne qu'elle aime, et rien d'autre. Ce n'est pas une histoire d'homosexualité dans un pensionnat : c'est l'histoire de Paulie, qui aime Tory, et Tory qui l'aime en retour, mais qui fait le choix - à cause de sa famille - de renoncer à cet amour (si je comprends ses raisons, je lui en veux malgré tout moi aussi...), et Paulie qui ne veut pas abandonner sa bien aimée.
Lost and delirious, c'est aussi l'histoire de cette enseignante, Miss Vaughnes (je crois), qui pose un regard réellement bienveillant sur Paulie : pas de jugement, ni de colère face aux dérapements de son comportement, simplement la bienveillance et l'affection que l'on peut porter à quelqu'un qui souffre.
Ce film, c'est la souffrance d'une adolescente en plein chagrin amoureux, c'est la bienveillance d'une mère de substitution, c'est le soutien indéfectible d'une amie (nouvelle qui plus est). C'est aussi une morale sur les mœurs, les pressions familiales et sociales à propos de l'homosexualité. C'est surtout une leçon sur l'amour
Ce qui a perdu Paulie, ce qui l'a poussée à sauter, comme le dit Mary à la fin du film, c'est qu'elle n'a pas eu cet amour maternel donc Mary a pu bénéficier quant à elle, même si sa mère est décédée. Paulie n'a pas eu de relation avec sa mère, et son seul soutien était Tory : et elle l'a perdue, alors elle n'a plus rien eu pour se raccrocher. Au passage, peut-être n'a-t-elle pas vu la maternité de son enseignante, qui aurait pu donner une tournure différente à l'histoire ? Et c'est, pour ma part, encore une chose que je reproche au film malgré tout ce que j'ai cité de bon : le scénario de la lesbienne qui meurt à la fin n'apporte rien... Oui, dans ce registre dramatique, de la peine amoureuse, pourquoi pas - et encore ! - mais si Paulie avait pu trouver une bouée de sauvetage en son enseignante, une amitié en Mary, elle aurait pu se relever, se reconstruire, et donne une claque encore plus grande au spectateur : la leçon d'une jeune fille au plus sombre de son existence qui surmonté mes épreuves et est amenée à la résilience. Les deux scénarios sont justifiables, mais le second m'aurait paru intéressant à traiter... Rien que pour montrer à la jeunesse que tout ne finit pas toujours mal pour la lesbienne, ou pour l'amoureux/amoureuse qui souffre, et qu'il est toujours possible de se relever, avec ou sans famille de sang, avec les personnes qui nous entourent
Alors voilà, ce film est bien sûr critiquable à certains égards, mais je me désole pour ceux qui s'arrêteront à cet aspect là, sans voir la profondeur qu'il y a à trouver.
Pour ma part, la scène qui m'a le plus touchée est la crise de larmes de Paulie lorsqu'elle est dehors et que son visage est filmé dans toutes ses grimaces ; Piper Perabot est vraiment exceptionnelle, je l'avais découverte dans Imagine me & you, je la découvre autrement ici.
En conclusion : à regarder sans modération, mettre son cerveau et son regard critique sur pause, et profiter du film, ce sont mes conseils.