J'attendais beaucoup de « Lost in translation ». Car il est clair qu'au fil des années ce film a pris de la notoriété jusqu'à se poser presque en "classique" du cinéma millénium. Mais non... d'abord l'oeuvre ne m'a pas convaincu outre mesure et puis, surtout, le concert des louanges sur ce site, qui fait presque croire que sa réalisatrice est l'égale de son père, m'incitent à prendre la plume.
La vérité, c'est que Sophia Coppola est un metteur en scène (raisonnablement) talentueux et que certaines scènes de son film sont intéressantes, voir dans le meilleur des cas, troublantes. Formellement, c'est donc plutôt réussi. Le problème, c'est le fond, et l'on aborde là l'éternel dilemne de ce type de film: comment filmer le vide et l'ennui sans être soi-même ennuyeux et vide ?
Pour filmer le vide sans devenir soi même transparent, il n'existe qu'une façon : mettre une certaine distance. C'est bien le problème : pas de distance ici, ou bien peu, entre la caméra de Coppola et son sujet. Entre elle et ce monde sans âme, ni dénonciation, ni célébration, ni quoi que ce soit, aucun point de vu d'aucune sorte. En un mot : pas de réflexion. Coppola nous met dans une jolie coupe de champagne et joue à filmer les bulles de près. C'est à ça que se résume son film et c'est un peu court.
Et là, il faudrait peut être déjouer un chausse-trappe. Hegel parlait des "penseurs qui brouillent leurs eaux pour les faire croire profondes". Conseil fort utile à méditer devant « Lost on translation « . Un regard énigmatique de Scarlett Johansson, un rictus de Bill Murray ne dissimulent pas nécessairement une réflexion profonde. Personnellement, je crois plutôt qu'ils cachent le vide des intentions. Et puis, cette esthétique d'hôtels ultra luxueux remplis d'appareils connectés n'est pas une fin en soi. La publicité veut que nous associons spontanément ces standards de la consommation moderne à la beauté. Bien sur il n'en est rien mais il est en fin de compte difficile de savoir si Coppola n'est pas victime elle-même de cette association. Distinguer l'esthétique de son film des spots publicitaires de smartphone ou autres est parfois ardu. Bref, gare aux confusions. Le vide n'est pas la beauté, la confusion n'est pas la complexité, la surface n'est pas la profondeur. Et Lost in translation n'est pas un mauvais film, mais ce n'est pas non plus une grande oeuvre (point de vue strictement personnel et n'ayant pas prétention à plus).

Feuardent
6
Écrit par

Créée

le 16 août 2022

Critique lue 153 fois

4 j'aime

4 commentaires

Feuardent

Écrit par

Critique lue 153 fois

4
4

D'autres avis sur Lost in Translation

Lost in Translation
Velvetman
10

La nuit, je mens.

For relaxing times, make it Suntory time. Ville à la fois moderne et historique, lieu d’un pèlerinage sentimental impromptu. Lui essaye de s'éloigner d'un couple en perdition et, elle, suit son...

le 16 févr. 2014

160 j'aime

11

Lost in Translation
Sergent_Pepper
9

La dérive des confidents

La ville. Ce sont ces façades lumineuses qui préfigurent Blade Runner, vitres à perte de vue derrière lesquelles se trouvent encore des êtres humains, contemplateurs d’une étendue verticale qui...

le 6 sept. 2015

158 j'aime

31

Lost in Translation
Prodigy
9

Critique de Lost in Translation par Prodigy

Sur une trame somme toute très simpliste, l'errance de deux personnages dans un Japon culturellement opaque, Sofia Coppola construit une relation émouvante, ouverte et tactile, éffleurements discrets...

le 21 déc. 2010

132 j'aime

6

Du même critique

Barry Lyndon
Feuardent
7

Barry Lyndon

Il faudrait, afin de les juger sur leurs seuls mérites, oublier tout ce qu'on a entendu sur les films qu'on se propose de voir. Vaste projet quant il s'agit de Barry Lyndon... Et pourtant, pourtant,...

le 1 janv. 2023

7 j'aime

3

Les Olympiades
Feuardent
4

Critique de Les Olympiades par Feuardent

Dans ce film, les gens de couleur jouent du piano et dissertent sur les guerres du XVIe siècle. Chez les blancs, rien ne va plus : les hommes envoient des photos de leur sexe sur tinder et couchent...

le 8 août 2023

4 j'aime

1

Lost in Translation
Feuardent
6

Eaux brouillées

J'attendais beaucoup de « Lost in translation ». Car il est clair qu'au fil des années ce film a pris de la notoriété jusqu'à se poser presque en "classique" du cinéma millénium. Mais non... d'abord...

le 16 août 2022

4 j'aime

4