"Fight Club" me rappelle l'ambiance de mes années d'étude et de fait, ce film, avec Pulp Fiction sans doute, est l'un des principaux repères culturels de la jeunesse des années 90. Ces oeuvres formaient une sorte de manifeste d'une façon nouvelle de voir le monde. Nourris à leur lait, nous nous appliquions à tout considérer d'un oeuil impitoyable et désabusé. C'est que nous comprenions plus ou moins consciemment que l'amour, la positivité, l'engagement, la tendresse, en fait toutes les forces de la vie, étaient désormais à bannir de nos cerveaux. L''heure était au nihilisme, et plus il était radical, plus il était cool.
Dans cette nouvelle direction que prenait l'occident, une constellation d'oeuvres plus ou moins réussies ont accompagnées Fight club et Pulp fiction, depuis Petits meurtres entre amis jusqu'à Crash, en passant par à mon sens l'un des sommets (si l’on peut dire) de cette folle équipée : the Pusher III (l'ange de la mort) de Winding Reffen (qui nous infligeait dans sa dernière demi-heure la découpe d'un corps humains dans une boucherie).
Qu'en penser vingt ans après? Avec l'âge d'abord, ce fond philosophique ne convainc plus. Pourquoi cette plus-value systématique sur l'immoralité, la saleté, l'obscurité, l'immonde ? Pour tout dire, cette pensée survit mal à l'adoslescence. Ce nihilisme qui veut passer pour de la hauteur de vue, ce déni de l'amour, qui veut qu'on le prenne pour de la lucidité, ce choix systématique entre deux répliques, entre deux situations, de la plus vulgaire, ce désir puéril de choquer, tout cela ne fait plus illusion...
Soit. Mais au delà du fond, il n'est même pas certain dans Fight club que cette pensée soit vraiment sincère (et c'est une façon de parler car je suis à vrai dire convaincu qu'elle ne l'est pas). Car tout ici est trop systématique. Comme si l'immoralité de Fincher n'était qu'un choix esthétique, une simple façon de remplir sa toile en barbouillant du noir au kilomètre. On aurait tort de voir dans son film un brûlot intérieur à la Dostoïevski, un Voyage au bout de la nuit contemporain, car son regard n'a rien de profond, ni même d'engagé, il est brillant parfois, certes, mais alors à la manière d'un vernis, qui reste irrémédiablement extérieur à l'objet qu'il recouvre...