En regardant Lost River, je m'attendais à voir (en gros) Ryan Gosling faire du Nicolas Winding Refn (le réalisateur, entre autres, de Drive et Only God Forgives dans lesquels Gosling tient le rôle principal), et ça n'y coupe pas: Mêmes scènes planantes, même économie dans les dialogues, même défilement des symboles, même goût pour les couleurs glauques et les plans hallucinés... Et surtout la même poésie silencieuse et linéaire, seul véritable fil rouge du film.
Parce que Lost River, ça parle de quoi ? Une ville qui se meurt, on pense immédiatement à ce phénomène dont Détroit fut un des exemples les plus marquants, une page qui se tourne la faute à on-ne-sait-quoi (mais on imagine que c'est l'accélération de plus en plus intense du monde et de l'économie qui broie et laisse sur le carreau des lieux, des gens, des vies), et des individus qui sont là, en plan, avec le sol qui se dérobe sous leurs pieds. Une famille fragile qui essaie de garder la tête hors de l'eau alors que les villages autour d'eux sont déjà engloutis, une mère courage qui essaie de faire (sur)vivre ses enfants et devra arpenter les bas-fonds, un fils aîné perdu qui rêve à autre chose, et doit lutter contre la tyrannie d'un caïd dans la ville déserte, un petit gamin pour qui l'avenir est plus que brumeux... Lost River c'est l'histoire d'un monde qui s'effondre et de personnages qui luttent pour ne pas sombrer avec. C'est perché mais joli, c'est pas long, c'est poétique, encore une fois. Chacun en tirera les leçons qu'il veut, chacun interprétera ce film à sa façon comme c'était déjà le cas chez Winding Refn: On assiste là à du (très bon) cinéma d'exposition, détaché de lui-même, et presque hypnotique.