Louise exaspère beaucoup de monde autour d'elle. Elle est défaillante, assez parasitaire, quelquefois mal-aimable (avec ses supérieurs). C'est l’héroïne de cette fiction sociale sans relief mais tout à fait passable. Comme souvent dans le domaine, il y a ce rapport aux petits détails, aux petites sensations ordinaires ; avec parfois une façon astucieuse d'introduire (comme à son premier réveil, où on a au départ aucune raison de croire qu'elle soit dans sa voiture). Malheureusement le personnage n'a rien à raconter ; et le film sur son compte, pas grand chose non plus.
Focus donc sur une existence piteuse et ratatinée, sans grandes joies ni dangers mortels soudains. Elle est bien vivante et poursuit son chemin, même pas dans le brouillard, plutôt sur une grande route balisée et vide. Elle va au boulot, au PMU, tire son coup bihebdomadaire à l'hôtel. Et cache à tous ses conditions de vie actuelles (une voiture pour seul abri) et son drame personnel (son mari l'a quittée et elle a perdu son logement). C'est peut-être le feu en elle, ou bien elle en aurait l'impression : à l'écran c'est juste anémique, mais gentiment, sans excès.
L'aspiration réaliste fait l'intérêt et justifie Louise Wimmer : voilà un film pour montrer ce que signifie physiquement (mais en restant pudique) que tous les jours sont les mêmes pour un individu socialement à la marge, dans une vie moche mais pas trop dégueulasse. Le film veut nous présenter ce que ça veux dire, être pauvre et se démener pour les besoins élémentaires ; comment on peut, aussi, se laissez-aller à cette précarité comme c'est le cas de Louise, dont la volonté d'émerger est contrastée. Soit, mais c'est trop facile ; jeter l'ancre sur un sujet ou même un univers ce n'est pas se l'approprier.
Ici c'est à la limite de la contemplation bovine ; un peu sanguine, donc on s'endort pas, ça reste physique. Le personnage est une espèce de bloc inerte mais quand même vivant, gueulant mais pas trop, juste à la volée. Un personnage sans tripes en fait, un robot lourdaud avec des fonctions vitales, paradoxalement à sa place dans cette misère : sans elle, Louise serait éteinte physiquement aussi, une quasi morte ; ses sentiments malheureux encore discrets auraient le loisir de se décupler. Cette apathie elle-même peut être un sujet fort et passionnant, mais le film ne restitue aucune profondeur.
Le manque de sensibilité entraîne un manque de pénétration. Ce premier film de Cyril Mennegum n'est clairement pas antipathique : mais il est sacrément insignifiant. Le personnage n'a aucune singularité, reflète mal sa situation : c'est un petit pantin de papier – d'un papier indicatif et sans âme. Naturellement Louise s'énervera un peu et se déclarera incomprise, vu que c'est au programme d'une fiction typique sur les exclus. La seconde moitié du film gagne tout de même en intensité, une légère empathie devient possible, car Louise se trouvera chahuté par la routine.
Louise n'est plus sur la lente pente vers la dégradation, mais dans la reprise de l'élan vital, habite à nouveau toutes ses fonctions régaliennes. Néanmoins même sous pression, Louise flotte et le réalisateur avec. Elle semble n'avoir aucune ressource, aucun caractère, lui ne sait pas trop voir pas du tout. Sans son actrice principale, Louise Wimmer s'effondrait, mais Corinne Masiero n'imprime pas de présence particulière. Elle donne une gueule forte au personnage et ça s'en tient là.
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