Loups-garous
3.6
Loups-garous

Film de François Uzan (2024)

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"Ils ont mis quel budget dans leur carnaval, là ?"

Que dire de cet étonnant projet qui m'avait interpelé ... eh, c'est simple: y'a un loup !

Thiercelieux sauce Jumanji ?

Nombreux sont depuis 2001 et la création du célèbre jeux de rôles de Des Pallières et Marly les courts-métrages qui ont tenté d'adapter en film Les Lougs-Garous ... jusqu'au Nikkon Festival.

Souvent, le lieu commun du jeu qui devient réalité sur le modèle de Jumanji - lui-même déjà tiré de l'album du même titre de Chris van Allsburg - est privilégié. C'est aussi le cas ici (original !) mais quel sera le cas de figure ?

Plus Jumanji à la Robin Williams ou à la Johnson-Gillian-Black-Hart ? Plus immergeant et profond en sentiment ou superficiel et dans l'humour facile ?

C'est hélas le second cas de figure et cela donne l'impression de voir moins une partie de Loups-Garous qu'à une reconstitution façon Puy-du-Fou du pauvre et organisé par des cadres de la LFI.

D'où une enquête expédiée pour connaître les loups-garous et peu d'intérêt quant à l'énigme sur leurs identité diurne (elle-même très en surface, cherchant un ersatz de profondeur dans quelques flashs).

Pire, un effet Poelvoorde-Brutus d'Astérix aux jeux olympiques par un Dubosc qui cumule Mon fils, ma bataille, Les Lacs du Connemara (pour s'en prendre aux vilains racistes: après les déclarations de Juliette Armanet, fallait oser), J'irai où tu iras (qui se mute en générique de fin sans réelle raison ...) ou encore Allumer le feu ... et cela sans parler de sa tentative Pierre Cardin/Eastwood-Michael J Fox pour le nom d'emprunt de baladin de son "héros".

Peu de jeu du Loup-Garou donc et un karaoké pseudo-comique et hors de propos.

"On est chez les fous ! ... Je sais, on est au Moyen-Âge"

Si cela s'arrêtait là !

Mais non !

À défaut de Loup-Garou (car on semble oublier souvent le côté immersion dans le jeu), le métrage privilégie le voyage temporel pour se faire critique sociale orientée: ainsi, le vilain âge féodal qui refuse l'homosexualité, les unions libres, le divorce, la recherche de soi adolescente (entendre "la transidentité"), la liste est longue ! Longue mais très axée MeToo, notamment avec Suzanne Clément - aka la sorcière, ça ne s'invente pas, moins Thiercelieux que néoféministe - qui ne manque aucune occasion de ridiculiser les personnages masculins et d'entonner des couplets sur les vilains hommes qui battent leurs femmes, sur la vilaine inégalité des sexes (ou femme-homme, on choisira).

Dans le même temps, on veut donner dans le comique anachronique et on s'y perdra: tous semblent ignorer ce qu'est un avocat ... quand on se demanderait ce que certains propriétaires de cette charge au Moyen-Âge pouvaient donc bien faire ... et la raison de leur présence dans des jeux et farces comme celle de Maître Patelin, par exemple.

Voire Léonard de Vinci ... en immigré homosexuel et rejeté par les Français ... pour un butin de guerre de François 1er, adulé au Clos-Lucé ... ça fait assez mal !

Mais le message d'abord, faut-il croire.

Mais le pire anachronisme consistera avant tout à faire du jeu de société du XXIe siècle créé sur le modèle d'un jeu de plateau des années 80, un jeu inventé au Moyen-âge, comme par hasard, par l'ancêtre même de la famille qui joue ! Notre époque est vraiment nombriliste et c'est l'un des seuls aspects que ce film reflète à la perfection.

Le tout perdant parfois de vue ce qu'on était venu chercher: une ambiance médiéval teintée de paranoïa et de mystères, d'énigmes et d'enjeux, tant tout semble expédié ou bien laissé en surface.

L'Immortel

Qu'est-ce qui peut bien alors sauver le film, demandera-t-on avec raison ?

Ça ne semble pas être l'avis de beaucoup mais, quoi qu'il en soit, c'est le mien.

Tout ce qui manque cruellement au film en termes de rire, d'émotion, de prestance, est pourtant bel et bien présent en une personne aussi hilarante qu'émouvante. Cette personne porte le film sur ses épaules et ce sera donc le vrai Loup-Garou du film parmi les simples villageois.

Dubosc se veut émouvant et familial et est neutre à souhait, Clément joue les Sandrine Rousseau, les enfants sont anodins, les autres vedettes sous-exploitées ... sauf l'Immortel.

Jehan de Resno alias Sir Godeffroy le Hardi: JEAN RENO !

Juste de drôlerie, de vérité, d'authenticité, il semble le seul à trouver le bon tempo, la bonne manière de jouer et sa présence fut seule raison pour moi de suivre ce métrage jusqu'à son aboutissement. Très drôle dès le commencement, émouvant dans sa lettre mémoriellement posthume, il est le seul à sembler se soucier de l'identité des loups-garous et à porter sous la fiction un message réellement essentiel et universel: la mémoire, l'héritage et la transmission.


La Peste Noire*

En conclusion, le film eût pu être bon s'il s'était inspiré des qualités dont fait preuve la voix de Mufasa: un intérêt plus poussé pour l'intrigue façon whodunit et un message moins politique et plus existentiel. Dans le style Jumanji avec Robin Williams, très impliqué dans l'immersion du monde de la jungle à l'intérieur du nôtre et donnant une réflexion sur la relation parents-enfants.

Pour ce faire, il eût été bon de ne pas expédier l'exposition en cinq minutes montre en main et sans doute aussi développer des personnages amis ou voisins de la famille pour créer un lien entre le monde réel et celui du jeu, cette fois sur le modèle d'Hook ou la revanche. Cela aurait permis une idée de transposition susceptible de générer des effets comiques plus poussés qu'une allusion ratée aux Visiteurs avec la crotte aux couilles façon Jacquouille. Le message porté par Jean Reno eût été plus fort, plus prenant et on aurait pu imaginer sa mort dans le monde du jeu pour sauver l'avenir de la famille menacé par la lycanthropie de l'un des jeunes, symbolique.

Quitte à adapter le jeu, on aurait pu aussi envisager plus de personnages, comme ceux des extensions: l'Ancien, qui aurait convenu à Jean Reno, l'Idiot du village qui aurait été source tant de comique que de coups de théâtre, le Bouc-Émissaire parfait pour un ado qui pense que la terre entière lui en veut, le Salvateur (pour Dubosc mais alors dans une intrigue moins woke ou pour son ancêtre de l'époque ... oui, je l'ai dit, le film oscille entre jeu et voyage dans le temps sans trancher nettement) ou encore le Joueur de flûte pour un voisin/maire menteur parodie du beau parleur qui fait de l'ombre à l'un des parents ou du politique.

Bien des pistes qui rendent ce film meilleur à repenser qu'à visionner et donc pas spécialement meilleur que ses prédécesseurs en court-métrage.


En attendant une adaptation live plus inspirée, un jour, peut-être !







* Ce titre parlera davantage aux joueurs de l'extension Nouvelle Lune (la variante écrite pour être lue dans un miroir) et que je recommande de tenter au moins une fois !

Elle me semblait parfaite pour un paragraphe traitant des pistes d'amélioration du film.

Frenhofer
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le 24 oct. 2024

Critique lue 877 fois

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Frenhofer

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