"Porno 3D" : Love est-il un film provoquant ?

Présenté hors compétition au festival de Cannes comme un "porno 3D", le film Love de Gaspar Noé nous a promis une véritable histoire d’amour, un mélodrame contemporain et de nombreuses scènes de sexe en 3D. J’ai eu la chance d’assister à son avant-première, et je peux vous dire maintenant si ce film vaut la peine.

J’ai la chance d’habiter entre deux cinémas. Le Gaumont Pathé Wepler et le Cinéma des Cinéastes. J’ai eu la chance d’être passée devant, mardi 7 en allant au boulot, et de lire l’affichette sur la porte :

« Avant-première de Love avec la présence de Gaspar Noé ».

Je n’allais pas rater ça ! J’y suis allée avec mes yeux grands ouverts et le cœur battant. Dans la file d’attente, il n’y avait que des jeunes de 20 à 30 ans. Très peu de vieux. Il y avait des étudiants branchés, des artistes en herbe, des artistes bohèmes, des skateurs, des hipsters, des jeunes filles en fleurs, des bobos chics, des cinéastes plein d’avenir qui discutaient story-board.

Avant d’entrer dans la salle, une salariée du cinéma criait : « Tenez, des bouteilles d’eau et des lingettes ! Qui n’a pas sa lingette ?! Vous allez voir, la première scène, ça va vous plaire ! » Mon Dieu mais de quoi parle-t-elle ? Des lingettes nettoyantes, pourquoi ? Imaginez mon inquiétude : Gaspar Noé souhaite « faire bander les mecs et mouiller les filles » grâce à ce film. Il s’agissait de lingettes pour nettoyer ses lunettes 3D. Ouf.

La salle était remplie de ces jeunes underground en recherche de cinéma nouveau. Avant le film, un membre du Cinéma des Cinéastes s’est écrié : « On se demande toujours comment amener plus de jeunes au Cinéma des Cinéastes. On a la réponse ce soir !».

Puis Gaspar Noé s’est amené sur la scène d’un pas modeste et bancal : « Merci d’être là ce soir, et je vous souhaite d’apprécier ce film avant que des fascistes ne le censurent. » Petits rires dans la salle. Gaspar a fait un court discours, non préparé, pour présenter son film en vrac : un scénario de trois pages, beaucoup de place à l’improvisation, beaucoup d’amusement sur le tournage. Il a eu l’idée de ce film il y a bien longtemps, avant même de tourner Irréversible. Il a même proposé à Vincent Cassel et Monica Belluci de tenir le rôle ! En lisant le scénario, ces derniers ont vivement refusé.

Love, c’est l’histoire d’un jeune de 25 ans qui se réveille le matin auprès de sa femme et de sa fille. Il s’appelle Murphy et il a reçu un appel tôt ce matin, il s’inquiète : il s’agit de la mère de son ex petite amie, elle recherche sa fille Electra qui a disparue. Cette disparition est un prétexte pour découvrir leur histoire d’amour sulfureuse par flash-back.

Gaspar Noé a eu envie de faire un film qu’on n’avait jamais vu auparavant : « enfin un film d’amour interdit au moins de 16 ans ». Oui, parce qu’une histoire d’amour, ce n’est pas seulement des « Je t’aime », des roses et des sourires. C’est aussi du sexe, beaucoup de sexe, et de la jalousie, des disputes, des retrouvailles, encore du sexe. Noé a voulu raconter le sexe lorsqu’on est amoureux car c’est la plus belle chose qui existe dans une vie humaine, courte et éphémère. Et l’idée principale qui l’a aidé à mettre en place ce film, c’est le fait de tourner ces scènes en 3D.

C’est un pari osé après des films choquants et judicieux comme Irréversible. Mais Love est-il vraiment provoquant ? De nos jours, nous sommes continuellement confrontés à des images sexuelles et le porno est disponible à tous sur internet. Love dévoile des images très crues mais ce n’est pas un film choquant :

Comme son nom l’indique, Love est un film d’amour. Les longues scènes de sexe ne sont ni pesantes ni dérangeantes. Des étreintes avec de gros plans sur les visages, puis les parties intimes, de haut, de profil, tout cela sur une bande son hypnotique. A l’écran, on ne voit pas une banale scène de sexe. Plus rien n’est tabou, on voit L’AMOUR et la fusion des corps.

Love est un film intime, on entre pleinement dans les pensées de Murphy. Souvent filmé de dos, ces pensées sortent de sa tête par voix-off. Le spectateur connaît toutes ces peines, ces angoisses, ces états physiques. Le film est tellement intime qu’on entre presque dans sa bite et on reçoit son fouttre en pleine figure, en 3D ! (C’est la seule scène qui peut vraiment être considérée comme osée et provoquante.)

La 3D est extrêmement bien pensée. De magnifiques scènes, uniquement visuelles. Les amoureux s’enlacent et fument sur un lit rouge, et la fumée s’élève jusqu’à nous. La chair, un œil en gros plan, une ampoule qui clignote jusqu’à nous faire mal aux yeux, puis des scènes teintées de rouge comme dans Irréversible.

Le tout sur une histoire d’amour mélodramatique, qui passe de l’euphorie à la dépression. L’amour fait souffrir mais il rend vivant, et si l’on trouve la bonne personne, il faut la protéger et la garder toute la vie, semble nous dire Gaspar Noé. Ce film laisse derrière lui un grand message optimiste : aimez-vous et faites l’amour. Rien que ça !

Love est une expérience sensorielle, un pur bijou, un bonbon acidulé qu’on n’a pas envie d’avaler. On veut le garder dans notre bouche, longtemps, pour profiter de chaque saveur. J’ai déjà envie de revoir ce film.

Avec des scènes époustouflantes, pleines de beauté, et une musique enveloppante, Love raconte surtout comment chacun peut passer à côté de son existence avec des événements inattendus. Pour finir cette critique, je me demande comment Noé a pu nous transmettre des émotions aussi fortes avec un simple scénario de trois pages ? Comment les acteurs ont-ils réussit à nous hypnotiser avec des scènes d’improvisations totales ?

Je suis fière que ce chef-d’œuvre fasse désormais partie de l’histoire du cinéma français.

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