Rares sont les films qui nous bousculent réellement, nous touchant en plein coeur après avoir trouvé l'une des failles y parvenant. Love exposure vient de littéralement détruire l'enceinte armée gardienne de mon coeur et mes sentiments pour en faire ses quartiers 4 heures durant. Difficile de récupérer ses esprits et sa lucidité pour apposer une critique à la hauteur d'un tel film, c'est pourtant à chaud, encore envoûté par cette oeuvre magnifique que je me décide à prendre le clavier pour lui rendre l'hommage qu'elle mérite.

C'était pourtant sceptique et effrayé par ce DVD mentionnant une séance de 4 heures que je glissais la galette dans mon lecteur. Réussir à captiver et maintenir un rythme constant sur une telle durée me semblait être un tour de force quasi impossible à réaliser. C'est bel et bien réussi, et haut la main, avec Love Exposure. En insérant dans son récit ruptures de ton régulières et expérimentations constantes, en faisant la part belle à tous les personnages qu'il dirige d'une main de maître, Sono construit son film de la même façon qu'un auteur écrit un livre, chapitre par chapitre, distillant avec finesse différentes saveurs qui se réuniront pour une symphonie finale terriblement émouvante qui viendra titiller vos glandes lacrymales. Si certains seront peut être moins clients de ces ruptures de ton incessantes, je suis pour ma part convaincu que c'est ce qui fait la force du film. On est constamment stimulé par de nouvelles pistes, des évolutions de personnages qu'on n'attend pas, qui nous surprennent mais en même temps nous semblent toujours légitimes. Ce qui est clairement un tour de force au vu du côté irréel des situations. On est presque en milieu manga tant Sono utilise et fait sienne la culture Otaku pour construire ses différents protagonistes. Et pourtant on se laisse prendre au jeu, sans jamais questionner le bien fondé de ce que Sono nous présente pour la simple raison que tout est d'une fluidité exemplaire.

Ainsi les deux grandes parties de Love Exposure, si antonymiques soient-elles en terme de tonalité, semblent être faites l'une pour l'autre, en totale harmonie avec ce fil directeur qui anime le film, l'amour pur connectant deux êtres. Toute la première partie du film se veut presque comique, en tout cas totalement décalée et très burlesque. Les personnages sont tous présentés comme étant à leur manière un peu toqués, mais généralement sympathiques. La seconde partie, elle, s'oriente davantage vers un drame social qui ne fait plus rigoler et insiste avec davantage de noirceur sur tous les thèmes que Sono avaient commencé à construire dans son récit. Des thèmes forts comme la parentalité, la nature du pêché, la religion ou encore l'acceptation de soi. C'est brutal et incisif, sec et sans compromis.

Pour ne rien gâcher, afin de mettre sur pied toute cette densité propre au film, Sion Sono se donne les moyens de ses ambitions. En plus d'offrir à Love Exposure une image souvent belle, des cadres recherchés, des séquences bien dynamiques, il s'entoure de comédiens qui assurent la performance malgré leur jeune âge. Jeune âge qui forcément fait qu'on les sent fébrile dans les séquences les plus dramatiques, mais ce n'est jamais un problème, au contraire cette fragilité devient même un vecteur d'authenticité. L'émotion passe toujours, la preuve que Sono dirige ses acteurs avec talent pour tirer d'eux le meilleur. Pour n'en citer qu'une, gros coup de coeur pour la très jolie Hikari Mitsushima, Sono sait la mettre en valeur et on se fait envoûter sans résister à chacune de ses apparitions.

Une vraie découverte comme on aime en faire, qui nous rappelle pourquoi on aime le cinéma et ce qu'on y recherche quand on braque Amazon en début de mois. Avec Love Exposure, c'est une évasion de 4 heures que vous vous offrez, une plongée en plein esprit d'un cinéaste impliqué et impliquant, qui sait toucher sans trop en faire. Une traversée en équilibre entre deux falaises sur un filin instable dont on ne voit pas très bien le bout, tant la brume l'entourant est dense et mystérieuse. Mais lorsqu'enfin vous apercevez le python indiquant la fin de cette sensation de pesanteur quelque peu inquiétante, plus qu'une délivrance, c'est une avalanche d'émotion que vous devez canaliser pour enfin couper la boucle sonore du menu de votre DVD qui se joue de vos tympans pour la 23ème fois.
oso
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le 2 mars 2014

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