On passe du rire hilarant en voyant une bande de losers magnifiques s’entrainer à prendre des photos sous les jupes des filles grâce à des techniques d’arts martiaux (voiture téléguidée qui passe sous un « tunnel » de jupes) à la haine la plus viscérale d’une fille qui mettra à mal la virilité de son père après que celui-ci l’ait battu année après année. Sono Sion, derrière un script burlesque qui marie parfaitement traitement comique et dramatique, dégage de presque chacune de ses scènes un romantisme insoupçonné, captivant de férocité faisant exploser les unes après les autres des barrières d’émotions brutes, celles qui nous font vivre, qui nous rendent plus fort, celles qui nous poussent à aimer, celles qui nous poussent à croire en nos propres rêves.
Sono Sion se sert d’une absurdité de tous les instants, d’un aspect outrancier drolatique (l’érection non contrôlée à chaque vision de Yoko), d’un comique de situation généreux pour mettre en place cette histoire d’amour pas très banale, à l’image de la première rencontre entre Yoko et Yu lors d’une baston générale sur l’une des places de la ville. Ce qui s’avère être magnifique, c’est la liberté totale qu’impose le réalisateur à son film, comme si tout était dans l’exagération sans que cela ne soit jamais ridicule. Love Exposure est un film somme de genre cinématographique où l’on passe d’une baston aux coups de poings pétaradant parfaitement cadrée, à une scène de coucherie lesbiennes, à des scènes de repas familiaux, à des confessions de saloperies aux Dieux des pervers, à des scènes contemplatives aux regards émouvants dans une camionnette perdue sur une plage. Derrière cette touche de n’importe quoi, Love Exposure dégage un sentiment d’imperfection, une dose de naturelle à fleur de peau qui ne peut susciter que l’admiration.
Love Exposure propose un développement singulier avec cette histoire d’un jeune homme ayant perdu sa mère étant petit et qui voyant son père se détacher de lui va essayer de multiplier les péchés pour retrouver une once de relation avec son père et trouver l’amour de sa vie sous les jupes des filles, essayant de capter la photographie de la culotte qui le fera vibrer à jamais. Un jour, ayant perdu un pari, il se déguisera en femme yakusa et tombera nez à nez avec son âme sœur sans qu’elle le sache. A partir de là, une quête effrénée et chevaleresque à l’éloignement et au rapprochement de ses deux êtres va bousculer tout un film. En 4h, on passe par toutes les émotions, grâce à un sens du rythme rarement pris en défaut, doté d’une capacité à ne jamais se répéter tout en arrivant à se renouveler perpétuellement en changeant les points de vue avec des cassures de ton symptomatiques sans que cela soit dérangeant.
Tantôt dynmaique, tantôt introspective, tantôt contemplative, tantôt horrifique, tantôt épique, la mise en scène de Sion Sono défie toute loi de gravité. Love Exposure ne serait pas Love Exposure sans son casting. Quel putain de casting. Entre Koike, magnétique perverse et manipulatrice à la complexité émotionnelle mortelle, Yu avec son air candide, son rire navrant et attachant et puis Yoko, impossible de ne pas tomber amoureux de la somptueuse et fougueuse Yoko, et son sourire à tomber à la renverse, et ses airs de guerrières écolières.
Difficile de parler d’un tel film, foisonnant d’idées visuelles, qui allie grotesque assumé jubilatoire (la conférence des pervers) et classe hypnotique épousant une forme de liberté ravageuse, une générosité dans l’intention qui fait mouche, une folie attendrissante qui nous donne qu’une seule envie : repartir pour 4h de Love Exposure.