(critique postée aussi sur allociné)
Un film long, mais dans la longueur se justifie par la diversité des ambiances exposées au long de l'oeuvre ainsi que par la pluralité des thèmes abordés. Quatre heures sont ainsi un excellent format pour laisser monter en puissance une intrigue aussi riche qu'ici.
Love exposure peut a priori dérouter, avec un scénario qui est à première vue assez absurde et comique.
C'est cette dimension comique que l'on retrouve dans la première heure du film, qui sert essentiellement à nous présenter les personnages et poser les bases du film. Un film qui raconte à première vue une histoire d'amour qui va se tisser entre deux personnages, Yoko et Yu. Par la suite, ce film nous narre une gigantesque manipulation perverse et sadique qui va toucher ces deux mêmes personnages, en se servant de leurs sentiments les plus nobles (l'amour pour l'une, la foi pour l'un). Manipulation qui est ici poussée à un point quasi-extrême, et où la folie n'est jamais bien loin des sentiments rationnels qui guident les personnages, sujets du sadisme de Koïke, le troisième personnage-clé du film, initiatrice de toute la machination exposée dans ce film.
C'est là tout le génie de cette oeuvre : cette contradiction entre les sentiments vertueux des personnages et le fait que ce soient ces mêmes sentiments qui sont le ciment d'une terrible manipulation. On sent une véritable montée en puissance tout au long de ce film. D'un ton assez léger et comique, on passe vite à des thèmes plus universels, puis à une ambiance plus grave. Sion Sono fait carrément basculer son film dans le drame lors de la dernière heure, avec des scènes absolument bouleversantes, portées par un trio d'acteurs excellents. A titre d'exemple, la scène de l'épître aux corinthiens est en toute objectivité, l'une des plus belles qu'il m'ait été donné de voir dans ma vie.
Avec un tel scénario et une telle longueur, il n'est pas étonnant que les thèmes de fond abordés dans le film soient nombreux et riches.
Il est ainsi question d'amour, de religion, de foi et de croyance, d'endoctrinement, de sacrifice, des liens familiaux, ou encore de la sexualité (en particulier chez les jeunes) et les tabous qui s'y rapportent. Tous ces thèmes s'entremêlent au long du film. Si l'on doit en dégager deux principaux, on pourrait dire que c'est la foi (qu'elle soit religieuse ou amoureuse) et le pêché. Tout au long du film, Shion Sono nous fait passer des messages métaphoriquement.
L'un des plus forts et qui revient à plusieurs reprises est celui de l'érection. Représentée de façon très caricaturale mais avec une force symbolique très forte, l'érection du héros n'intervient qu'en présence de la fille qu'il aime. Il dit avoir "une érection avec le coeur". Cette érection est comparée à la croix catholique, couchée sur le sol, ou levée fièrement vers le ciel. Là encore, Shion Sono arrive insidieusement à nous montrer le paradoxe entre la vertu et ses conséquences. De nombreuses scènes sont ainsi marquantes, comme autre exemple il y a la confession d'un prêtre qui se déclare assoiffé de sexe ; dans quasiment chaque scène de ce film il y a une réalité immanente confrontée à des sentiments transcendent...
Sono Sion nous introduit avec son film une réflexion approfondie sur le pêché et la vertu Le faisant de manière très subtile et ne nous assénant pas de morale à la fin de son film, le spectateur est laissé assez libre de ses opinions. Au final, c'est donc un film qui derrière son aspect assez burlesque (surtout pour quiconque n'est pas habitué à ce cinéma) est très profond et laisse de nombreuses questions en suspens, auxquelles les réponses sont données à la discrétion du spectateur. Derrière toute cette toile de fond, ce film reste aussi et avant tout et surtout, une histoire d'amour, qui se laisse savourer au fil de quatre belles heures.