Burke Ryan est un de ces gourous du bien-être qui prolifèrent aux Etats-Unis.Mi-prédicateur mi-coach comportemental,il a assis sa réputation sur un best-seller qu'il a écrit et il effectue des tournées à travers le pays pour animer des conférences et des ateliers destinés à remettre d'aplomb des personnes traumatisées par des deuils a priori insurmontables.Son périple le ramène à Seattle,où il vivait autrefois,ce qui va réveiller de très mauvais souvenirs tandis qu'il tombe amoureux d'une jolie fleuriste.Cette petite comédie romantique écrite et réalisée par l'inconnu Brandon Camp se révèle surprenante à bien des égards.D'abord,pour une romcom c'est carrément lugubre même si des touches d'humour apparaissent ici et là.Le cadre offert par la ville de Seattle,un des endroits les plus moches qu'on puisse imaginer,ne suscite déjà pas la gaieté,et l'histoire d'amour est en réalité secondaire,ne trouvant d'ailleurs son aboutissement qu'à la toute fin.C'est en fait une fausse romcom et un vrai drame psychologique interrogeant la gestion de la perte d'un être cher et la dimension aléatoire des méthodes miracles censées permettre de refaire surface.Burke n'a rien d'un escroc,il s'est lancé dans ce business par hasard,sa réussite l'a dépassé et l'effraie un peu.Il croit sincèrement pouvoir aider les autres mais il se ment autant qu'à eux car au fond il cherche surtout à s'aider lui-même,à évacuer son propre mal-être.Il avait écrit son livre dans ce but,sans intention de le publier,puis le succès l'a plongé dans un engrenage dont il ne désire pas vraiment sortir,son activité lui faisant occulter le chagrin qui le ronge.Quand il est seul,le conseiller dynamique et sûr de lui broie du noir et picole sec.Le scénario pointe ironiquement cette double personnalité,ainsi que l'insanité des méthodes employées lors de ces stages.Des discours galvanisants de la vedette,du brainstorming,des réunions où on se dépouille devant les autres pour dépasser les traumas,genre alcooliques anonymes,des défis d'inspiration sectaire orientaliste,style marcher sur des braises,ou des exercices pratiques où il faut se forcer à faire des choses qu'on a occultées depuis longtemps.Evidemment ça ne fonctionne pas parce que ce n'est pas comme ça que ça marche.On peut positiver,s'illusionner,s'aveugler,définir de nouveaux objectifs,il arrive toujours un moment où on est rattrapé par la peine,la colère,la culpabilité,le sentiment de n'avoir pas fait ce qu'il fallait quand il en était temps parce qu'on ne fait jamais vraiment ce qu'il faut par égoïsme,par indifférence,par paresse,par intérêt pour des choses qu'on croit importantes,et quand le drame survient on s'aperçoit qu'il est trop tard et qu'on ne pourra pas se rattraper,qu'on a négligé ce qui était réellement important et que ça ne reviendra jamais.Vu son état d'esprit,Burke a bien du mal à gérer sa romance avec Eloïse,malgré la compréhension dont elle fait preuve.Difficile de lutter contre des fantômes,mais il y a cependant de jolis moments,des mots étranges écrits sur des murs derrière des tableaux,des cartes aux textes bouleversants accompagnant des fleurs,un concert de rock vu en fraude depuis une nacelle.L'ensemble manque de rythme et l'intrigue s'égare parfois,notamment avec un happy-end qui vient contredire le discours tenu tout au long du film,mais globalement ça tient la route et ça diffuse une philosophie plus profonde que ce que donne habituellement le genre.Même le couple d'acteurs a de quoi étonner.Certes on a beaucoup vu Jennifer Aniston dans ce type de rôles mais là elle est un peu défraîchie et éteinte.Encore plus surprenant de voir là Aaron Eckhart,grand comédien de second plan rarement utilisé en vedette,et encore moins dans des romcoms,mais il est très bon et il a une vraie gueule qui sied bien à la bête médiatique qu'il interprète.Les inévitables copains marrants sont de la fête,Jennifer étant flanquée de la très drôle Judy Greer,rompue à l'exercice,et Aaron du non moins hilarant Dan Fogler,irrésistible en ami et assistant à la franchise désarmante.Martin Sheen en beau-père douloureux et John Carroll Lynch en patient récalcitrant introduisent de magnifiques moments d'émotion tandis que Sasha Alexander,la légiste de "Rizzoli et Isles",fait une courte apparition en photographe de presse.