Classique, mais une bonne surprise pour ce thriller psychologique du réalisateur Ben Young.
Dès les premières images le cinéaste filme la vie, le calme, la joie et l’ensoleillement de ce quartier pavillonnaire d’une petite ville australienne sans histoire, où chacun vaque à ses occupations, où les enfants jouent au ballon... Le malaise s’installe ensuite par des plans sur les cuisses de jeunes filles sur un terrain de sport...nous rappelant qu’un couple de prédateurs rôde.
Et c’est bien le couple qui sera au centre de ce thriller, élément perturbateur et fondateur de l’intrigue. Couple complexe, le cinéaste joue aussi sur leur humanité et nous les rends d’autant plus déments et indéchiffrables sans pour autant nous les faire apprécier. C’est cette peinture de la banalité qui ici choque et rends toute la tension. Ce couple socialement instable, torture, tue et enterre leurs victimes, leur renvoyant toute leur haine et leur frustration, pour ensuite se retrouver à danser et s’embrasser amoureusement...
Vickie, nouvelle victime semble résignée face à ce couple déviant. Evelyne, «la femme» «l’amante» «l’amoureuse» partie prenante pour la cruauté de son mari John, sera celle qui permettra à l’homme d’assouvir toute sa violence sous couvert de son acceptation. Manipulateur John profite de l’amour inconditionnel qu’Evelyn lui porte pour vivre ses fantasmes.
Sur ce postulat d’amour-haine une peinture de la torture sans effet. Les portes resteront fermées, et la violence subie sera suggérée à force de cris (parfois excessifs), de regards perdus et de quelques plans d'objets ensanglantés.
Vickie est attachée dans la chambre, les mouvements de caméra filment cet appartement banal, où des jouets d’enfants meublent la salle de torture, où Evelyne prépare le petit déjeuner, accroche son linge, caresse sa chienne, comme si de rien n’était. On devine qu’Evelyn a perdu un enfant et pourtant elle ne fait preuve d’aucune empathie jusqu’à ce que sa jalousie l’emporte.
Le cineaste sous couvert d’un film d’horreur nous parle d’un drame social et familial et de la faiblesse de tous ces personnages en prises avec leurs tourments. A aucun moment ces femmes ne prennent la main sur leur situation dramatique. Evelyn subit de ne pas avoir la garde de son enfant et la main mise de son mari. Maggie subit l’indifférence de la police et le manque de solidarité des voisins lors de la recherche de sa fille, l’incommunicabilité avec son ex mari et sa fille adolescente. Maggie vient en miroir d’Evelyn, celle d’une mère et de l’amour qu’elle porte à son enfant. Vickie tente de rallier à sa cause Evelyn, tente de s’échapper sans succès. John également révèle toute sa faiblesse. Il torture et reste le maître des lieux mais pourtant il est malmené par les dealers à qui il doit de l’argent.
L’ensemble est réussi, on retrouve la patte australienne dans la noirceur et une esthétique réussie, techniquement bien fait, servie par une bande son qui sert totalement l’ambiance anxiogène et un scénario original. Mais certaines scènes redondantes, un manque de dynamisme et de rebondissement, où Vickie aurait pu tenter un échappatoire, pointent une trop grande résignation que l’on a du mal à percevoir. La faiblesse du scénario va se révéler sur la dernière scène et la résolution. Suite à la décision d’Evelyn, le final vient saper la caractérisation de son personnage. Une conclusion pour ma part qui amoindri tout le travail précédent. Dommage.
Ashleig Cummings et Susie porter sont justes mais les performances du couple sont elles, excellentes. Emma Booth est impeccable de justesse jouant constamment sur la contradiction, et ses expressions subtiles démontrent toute l’ampleur de son talent à nous brosser cette femme perdue dans sa relation toxique oscillant entre sentiment et malaise. John (Stephen Curry) excelle dans son rôle d’homme sadique et narcissique, parfaitement inquiétant.
Un premier film australien à découvrir.