En me rendant à la séance de Love Hunters, je ne m'attendais pas à un tel choc. Je me disais que c'était à nouveau un film estival survendu, dans lequel il ne se passe pas grand chose et dont l'atmosphère se révèle soporifique. La réalité est tout autre et elle va me plonger dans les flammes de l'enfer.


Perth, été 1987. Des adolescentes jouent au basket dans la chaleur australienne. La caméra film la sensualité de leurs corps au ralenti en s'attardant sur leurs cuisses, bras et autres parties apparentes de leurs peaux transpirant sous l'effort. A travers ces images, le malaise est perceptible. On pense qu'elle provient du regard du réalisateur Ben Young, jusqu'à ce que le plan s'élargisse et que les yeux des prédateurs apparaissent. Ils guettent leurs proies de leur voiture et vont finir par fondre sur celle qui se retrouvera esseulée dans les rues d'une banlieue pavillonnaire. L'enfer vient de s'ouvrir sous ses pieds et celui du spectateur.


Un huis-clos glauque et oppressant. Sous la beauté du ciel bleu immaculé australien, se cache l'antre d'amants terrifiants. C'est en apparence un couple comme un autre. Les jeunes filles ne les soupçonnent pas de vouloir leur faire du mal et montent dans leur voiture; ou se trouve un siège pour bébé; en toute confiance. Elles vont se retrouver entre les mains d'un pervers narcissique et d'une femme prête à tout pour garder son homme auprès d'elle, même au pire. Evelyn (Emma Booth) est sous son influence. Son amour est aveugle et destructeur. Elle accepte la perversité de son homme par peur de le perdre. Cette dépendance s'explique par sa relation avec son père, puis avec le père de ses enfants. Elle a été meurtrie dans sa chair et ne veut plus souffrir. John (Stephen Curry) est son sauveur, celui qui va lui permettre de récupérer la garde de ses enfants pour avoir une vie de famille normale. En attendant, elle s'occupe de son homme en se donnant corps et âme à ses désirs les plus pervers. Mais la nouvelle prisonnière, Vicki (Ashleig Cummings) va bousculer leurs rituels. Sa beauté et sa jeunesse vont susciter la convoitise de John. Il ne veut plus partager cette proie et Evelyn va voir en elle, une rivale. La jalousie risque de mettre à mal l'équilibre de ce couple de psychopathes.


Love Hunters est un thriller psychologique ou le côté suggestif malmène l'imaginaire du spectateur en le bousculant, jusqu'à provoquer le malaise. La caméra s'attarde sur un tissu ensanglanté, un sex-toy, une cordelette et autres accessoires utilisés par le couple avec leur victime. Elle nous montre aussi leur quotidien avec la femme préparant le petit-déjeuner à son homme maniaque, ne fonctionnant que par habitudes pour garder une sorte de contrôle dans sa demeure. Le climat est malsain en ce lieu ou le temps semble tourner au ralenti. Les sons habillant les plans distillent une angoisse contrastant avec la beauté de ces banlieues pavillonnaires. La vie semble légère, les enfants rient en sautant à la corde, alors que les parents étendent le linge ou lavent leurs voitures. Ils sont loin de se douter que près de chez eux, de jeunes femmes sont violées et torturées par un de leurs voisins. Une porte ou une fenêtre les séparent de cet enfer sur terre. Cette proximité est terrifiante, le mal se trouve n'importe ou et peut-être sur votre palier.


Les motivations de John sont purement sexuelles. Il veut des jeunes filles pour assouvir la perversité de ses fantasmes morbides, alors qu'Evelyn agit par amour. Il achète cet amour en lui offrant un chien, tout en lui promettant de bientôt faire venir ses enfants sous son toit. On retrouve le même fonctionnement chez le père de Vicki. Trevor (Damian de Montemas) agit de la même manière, en offrant un chiot à sa fille pour avoir son affection, alors que la mère vient de demander le divorce. L'homme pense satisfaire la femme grâce à son argent. Le père ne comprend pas que la mère le quitte et veuille prendre son indépendance, alors qu'il lui offre le confort matériel. Maggie (Susie Porter) a décidé de vivre selon ses propres désirs. De son côté, Evelyn accepte son rôle de femme soumise. Les hommes se considèrent comme des dominants et ne peuvent pas comprendre que les femmes sont leurs égales.


Ben Young s'est inspiré de divers serial killers pour dresser le portrait d'un réalisme glacial de ce couple de meurtriers. Son esthétisme est envoûtant, avant de basculer dans l'horreur. On passe par divers émotions et elles sont rarement agréables. Une oeuvre qui colle à la peau, un des plus gros choc psychologique de l'année et le duo Emma Booth et Stephen Curry entrent au panthéon des plus grands psychopathes de l'histoire du cinéma.

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le 18 juil. 2017

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Laurent Doe

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