La vie de Kenneth Anger a, à de nombreuses reprises, été décrite comme "un marécage sans fonds", et que celui-ci qui désirait s'y plonger devait s'attendre, avant de s'embarquer dans un tel périple, à ne jamais en revenir. Lucifer Rising, réalisation majeure de sa carrière, ne déroge pas de cette règle, les mystères et rumeurs entourant sa production ainsi que sa diffusion engendrant un engouement pour cette oeuvre culte du cinéma expérimental. Il est alors judicieux de se demander si le cinéaste, conscient de son passé douteux (cf: sa relation avec Bobby Beausoleil) n'a pas joué de celui-ci afin de donner plus de force à son film, brouillant ainsi la ligne entre le réel et la fiction. Kenneth Anger déclare que tout est vrai dans son oeuvre, les pyramides (bien évidemment), les incantations, le sang et les excréments. Le spectateur n'est selon lui, pas devant un acteur jouant Lucifer, mais bel et bien devant l'ange déchu, que le cinéaste, éternel disciple de Crowley, vénérait, au même titre que d'autres personnes animées par diverses croyances, vouent un culte à Jésus, Mahomet ou Bouddha. L'ésotérisme et le symbolisme de son oeuvre en fait tout même un produit qui se veut trop prétentieux pour le grand public, qu'Anger semble dénigrer au fil de sa carrière, tout en conservant au fonds, une fascination perverse pour ces foules qu'il tente de galvaniser à travers des messages subliminaux et des indices discrets, comme s'il voulait laisser quelque part, une trace de la croyance qu'il a porté au plus profonds de son être pendant tant d'années.