J'ai lu tout Lucky Luke, depuis La Mine d'Or de Dick Digger -et tous les albums édites chez Dupuis au style un peu différents et aujourd'hui partiellement oubliés- jusqu'à la Légende de l'Ouest. J'ai même croisé Morris et longuement discuté avec Leonardo, l'auteur actuel de la série Ran-Tan-Plan.
C'est dire si j'attendais la sortie de ce film avec impatience. Et le moins qu'on puisse dire ... c'est que c'est raté. Là où Alain Chabat a réussi avec brio (et c'est le seul jusque là à avoir réussi à adapter Goscinny) avec son Mission Cléopatre, James Huth et Jean Dujardin échouent lamentablement.
Pourtant, le film commence bien. Décors soignés, réalisation bien pensée, jolie photo... Les premières images séduisent. En plus, comme dans la bande dessinée, on voit Lucky Luke parcourir l'Ouest en faisant tout sur son cheval : manger, dormir, se raser, etc. Huth a veillé à travailler les couleurs, elles sont éclatantes, les contrastes sont marqués. On est bien parti.
Dujardin s'en sort correctement dans le personnage. C'est clairement pas son meilleur rôle mais il est plutôt à l'aise et fait de son mieux. Niveau casting, ça varie d'un personnage à l'autre : Michael Youn en fait trop, Sylvie Testud est absolument parfaite en Calamity Jane et Daniel Prevost a clairement oublié ses cours de comédie, il est juste catastrophique de nullité.
Tout au long du film, beaucoup de petites choses issues de la BD font mouche : L'homme tire vraiment plus vite que son ombre, et transforme les billets de banque en pièces de monnaies en tirant dessus. On croise aussi un croque-mort semblant sortir d'une des cases d'un album, Hank le conducteur de caravane ou encore le Docteur Doxey et son fameux élixir. Ils ont même réussi à caser un clin d'oeil à Tintin et une reproduction de la première case du tome 1 ...
Alors qu'est ce ce qui ne va pas ? C'est simple : l'histoire. Soit à peu près tout le reste. Huth et Dujardin, qui co-signent le scénario se sont sentis obligés d'inviter un background à Lucky Luke. Il a donc un prénom, ses parents ont été assassinés sous ses yeux et il n'a jamais tué personne...
Ca pourrait passer sauf qu'on se rend compte que, une fois ce postulat établi, ils ne savent jamais quoi en faire. Du coup, Luke est surement le personnage le moins bien développé du film dans une histoire complétement bancale, voir ratée. En plus, il vanne, s'offre des petites phrases dans un univers comico-moderne qui fera surement rire les amateurs des blagues de Frank Dubosc. Mais qui est à mille lieues de la finesse humoristique de Maitre Goscinny. Je ne crois pas avoir jamais ri ouvertement.
Le personnage finit par se retrouver ouvertement massacré dans un univers qui n'est pas le sien et on sent que les scénaristes sont perdus et tentent de recoller plusieurs fois les morceaux, comme pendant la période de l'histoire où Luke « raccroche » et pendant laquelle le personnage est absolument vide et dénué d'intérêt.
En plus, le film se veut un « hommage à » comme c'est clairement écrit pendant le générique mais James Huth n'a lu que les albums qui l'arrangent. Il part du principe que Lucky Luke n'a jamais tué personne mais oublie pourtant le mort dans La Mine d'Or de Dick Digger, les quatre premiers Dalton battus en duel dans l'album Arizona et Phil Depher abattu par la 7e balle d'un revolver spécial que Luke ne réutilisera jamais.
Bref, tout ça pour dire que malgré une certaine bonne volonté, Lucky Luke est un échec. Jamais drôle, subissant une histoire pénible et quelques mauvais acteurs, le film ne séduit pas. Il aurait sans doute fallu adapter un album pour obtenir une bonne histoire.
A moins que Goscinny soit, comme Alan Moore dans son genre, inadaptable ?