Après les terribles échecs de Napoléon ainsi que La fin du monde, Abel Gance va perdre tout crédit aux yeux des producteurs, et va accepter des films de commande, dont Lucrèce Borgia, qui correspond à sa fascination pour les figures historiques.
Dans un sens, l'histoire est déjà connue ; Cesare Borgia, fils d'Alexandre VI, veut que sa soeur, Lucrèce, se marie, ce que cette dernière refuse, mais c'est dans l'intérêt du pays.
D'abord, il faut dire que ce film est le premier d'Abel Gance que je découvre ; l'âge de la plupart d'entre eux fait qu'ils sont difficilement accessibles ou alors dans une qualité technique potable, ce dont je reviendrais plus loin.
On est au sortir de l'époque muette, et Gance a conservé des tics de cette période comme les gros plans sur les visages, qui sont souvent grimaçants, des lettres qu'on a le temps de lire et qui mettent en contexte l'histoire, et des acteurs qui en font des caisses. Pour la plupart issus de la Comédie-Francaise, Gabriel Gabrio, Roger Karl ou encore Antonin Artaud sont souvent bien mauvais car ils ne disent pas leur texte, ils le hurlent. Il ne font pas quelques gestes, ils font des grimaces qu'on doit bien voir, comme si la scène était une pièce de théâtre.
De ce casting, je ne sauverais que la jeunesse et la fraicheur d'Edwige Feuillère, dont ce fut le premier rôle important, et dont elle scandalisera la critique (et rameutera les spectateurs) à cause d'une scène où on la voit se baigner entièrement nue, avec sa poitrine apparente, et un bref plan, et de loin, où sa nudité frontale est affichée alors qu'elle s'enveloppe d'un drap.
A part ça, c'est un film où j'ai aussi beaucoup souffert à cause de la technique de l'époque. Je m'explique ; je ne suis pas sourd, mais les débuts du parlant dans la cinéma français ont laissé place à des gros problèmes techniques, comme des crachotements sur la musique, un espèce de bourdonnement sur une grosse partie des scènes, et des voix qui semblent bredouiller. De ce que j'ai vu du cinéma français du début des années 30, c'est un défaut qui a l'air assez inhérent avec la découverte du parlant, mais à ce niveau, ça m'a souvent gâché le visionnage car c'est bien souvent inintelligible. Je précise que ma critique vient du dvd édité par Studio Canal en 2004.
Mais ce que je n'ai pas dit avec tout ça, c'est que Lucrèce Borgia est un film terriblement ennuyeux, un simulacre de théatre filmé où même les scènes de foule ne font guère illusion et les comédiens pour la plupart bien mauvais.
C'est d'ailleurs un film qui n'est guère apprécié des amateurs d'Abel Gance et je comprends bien pourquoi...