La Planète Des Singes version Besson!
Luc Besson a depuis longtemps cette étrange spécificité qui divise la France du cinéma: le clivage. Bien que d'autres cinéastes ou acteurs puissent partager l'opinion publique selon leurs affinités (les gouts et les couleurs sont difficilement discutables, parait-il) , lui amplifie le phénomène au delà de l'entendement. Rarement un auteur n'aura autant rallié de gens à sa cause ou au contraire ne se sera fait détester avec une vigueur aussi forte. Quand les premiers lui vouent une admiration sans borne pour sa capacité à transformer le 7 ème art en parc d'attraction gigantesque, ses détracteurs les plus irréductibles lui reprochent avec mépris son acharnement incompréhensible pour les faits similaires. Et la critique ne l'aide pas vraiment à s'appuyer sur un réseau solide pour se retourner, elle qui le tanne depuis ses quasi début pour ses succès monstres au box-office hexagonal, même au temps du "Grand Bleu" ou du "Cinquième Élément". Mais le bougre,loin de s'en laisser compter , sait capitaliser sur la sympathie du grand public pour la narguer et se nourrit avec bonheur de ce fiel pour se pauser en victime d'une corporation qui ne le comprend pas. Ce jeu de cache-cache semble lui convenir à merveille tant les chiffres sont la pour le conforter.
Venons en maintenant au cas "Lucy", son dernier forfait. Ni contempteur béat du Sieur Besson et encore moins pourfendeur indéfectible du bonhomme (j'avoue cependant de plus en plus de réticences à son égard), son dernier opus paraissait idéal pour en prendre plein la vue et admirer quelques séquences grandioses dont lui seul à le secret. Le scénario, à première vue rachitique, n'en correspondait pas moins parfaitement à un agréable divertissement et la présence de la pimpante Scarlett et du génial Morgan Freeman (quoiqu'il parait de plus en plus cachetonner ces derniers temps) ne pouvait qu'aller dans ce sens. Les séquences initiales, fades mais sympathiques, augurent d'un plaisir non feint. Le parallèle chasseurs/chassés de la faune animale avec notre jungle urbaine et Lucy et ses poursuivants, bien que poussif, est directement immersif de l'ambiance du film. La suite, du même acabit,vaut son pesant de cacahuètes. Ce qui s’annonçait alors comme un énième mais jouissif film d'action sans temps mort se mue alors en putride pensée relativiste sur nos origines. Que diantre avait il alors besoin de revisiter notre conception de son point de vue dans un déluge grossier d'effets spéciaux tous plus archaïques les uns que les autres en saupoudrons son délire de cascades hallucinantes de connerie? Quelle mouche la t'il piquée pour qu'il se sente le droit de confronter notre monde moderne ultra anxiogène à l'origine des premières espèces vivantes?
Quand Scarlett/Lucy (c'est à dire Nous) rencontre Lucy La Primate (la naissance de L'Homme) ,le summum de l'immonde est atteint. La quintessence de notre existence,dans sa grande limite biologique, doit selon le grand manitou alors se recentrer sur sa fonction créatrice de L'Univers pour mieux se retrouver. C'est en creux la substance de son message, mais il use pour cela de procédés absolument abominables. Tel cette pauvre créature, sacrifiée sur l'autel de l'expérimentation scientifique, se muant en hyperbole du vivant, en utilisant sa boite crânienne et ses neurones au maximum de ses possibilités. Sous entend il qu'il faille endurer les sévices les plus atroces et la Haine de L'Autre pour éprouver son Humanité? Dans un souci de pure efficacité, il enchaine les messages subliminaux douteux et prône l'efficience maximale, témoin la drogue qui sublime le rendement de la demoiselle. C'est à se demander s'il ne sert pas les intérêts, inconsciemment, du Capitalisme idéologique de la valeur productiviste. Dommage que son sens de la démesure ne serve pas mieux un produit calibré, quitte à surprendre son auditoire. Et la violence démesurée dont il fait preuve laisse perplexe, tant elle est caricaturale et inefficace,ne servant à aucun moment une trajectoire linéaire attendue.
L'incrédulité définit le mieux l'impression laissée par cette immonde mayonnaise philosophique empêtrée dans un maelström de sensations déroutantes. N'était le doute accordé cette entreprise hallucinante, nous pourrions croire que tout ceci n'était qu'une immense blague et que la réelle version du film nous attendait encore.