Luc Besson a donc vu Terence Malick et Stanley Kubrick…
En fait pour être clair, je ne crois pas que qui que ce soit remette en cause la culture cinématographique de quelqu’un comme Luc Besson. Par contre, on peut légitimement se demander quelle lecture il a pu en faire, tant la leçon semble mal digérée.
Le film s’appelle Lucy, était-ce vraiment nécessaire de coller un australopithèque à l’écran au début du film ? Le monde est injuste, la société humaine c’est la jungle, était-ce vraiment nécessaire d’ajouter des inserts d’une gazelle chassée par des guépards ?
Là ou les grands cinéastes déroule leur propos par l’image, la mise en scène, Luc Besson ne va pas au bout de sa démarche et nous rajoute un vieux sage caricatural en voix off pour justifier la présence des images complètement random qu’il affiche à l’écran. On est bien loin du travail des deux cinéastes pré-cités. Quelles que soient les qualités et les défauts qu’on peut leur trouver, je pense que l’unanimité se fera quant au talent dans la transmission d’idée par l’image qu’ils ont tous les deux.
Ici, et bien mon dieu c’est d’une naïveté presque touchante. Et au-delà de la mise en scène, il y a le propos…
Quand le 5e élément sort, il joue sur la corde sensible du projet d’ado enfin concrétisé. Ici, pas d’excuse, pas de message à caractère préventif… et pourtant, on est bien dans le cadre d’un cinéma extrêmement adolescent. Et ce n’est pas un compliment.
Que l’on me comprenne bien, la jeunesse d’esprit et l’enthousiasme juvénile sont des qualités qui peuvent apporter énormément à une œuvre. Mais ici, rien de tout cela. On en est encore à la quête de la connaissance absolue (en soutien-gorge) : Luc Besson en est resté à un cours d’introduction à la philosophie et ça se voit.
Je peux éventuellement comprendre la fascination qu’un film comme Lucy puisse avoir sur un panel d’adolescents n’ayant jamais rien lu d’autre que Twilight et vu d’autre que Hunger Games. Car c’est bien de ça qu’il s’agit, on nage en plein teenage movie des années 2000. La nuance se situe dans l’âge de l’héroïne qui est manifestement majeure et la manière dont les pouvoirs se développent (j’avoue que le coup de la mule c’est plutôt rare dans ce genre de films).
Bref.
On notera que le budget permet des effets spéciaux de grande qualité, mais qu’il ne sauve pas d’une direction artistique dramatique, que Luc Besson adore toujours casser des voitures de police dans Paris, et que son scénario est navrant comme souvent : les incohérences…
Aparté sur le sujet : quand on décide de prendre à bras le corps un sujet comme l’omniscience, l’omnipotence ou le voyage dans le temps, on a intérêt à assurer ses arrières. Récemment, le dernier X-Men a été un bel exemple de ratage intégral du en partie à une gestion dramatique de la notion de paradoxe temporel. Ici, c’est la même chose. Si l’héroïne peut déjà jouer sur la matière, pourquoi perdre la moitié du film à lui faire pourchasser des coréens dans Paris alors qu’elle peut tout simplement recréer la substance recherchée elle-même ?
La suspension d’incrédulité qui fait que le spectateur reste accroché à une histoire insensée, non pas parce qu’elle est réaliste mais parce qu’elle est cohérente, s’écrase joyeusement au sol avec des âneries de ce genre, et le film en est truffé.
A éviter donc, on rappellera simplement que l’argent investi (40M$) se voit bien mieux à l’écran que dans Expendables 3 par exemple, ou le double a été nécessaire à la production. On rappellera aussi que Luc Besson, même si je suppute que les raisons sont inavouables, continue à inscrire dans le crâne des spectateurs de la planète qu’une héroïne a autant sa place qu’un héros, et pour le coup Scarlett Johansson comme Anne Parillaud avant elle a la classe nécessaire pour se poser en archétype (même si pour ce qui est de Lucy, on pourra toujours objecter que la conclusion du film est qu’elle se transforme en métaphore de mère nourricière).
Bien maigre consolation.