Lucy, mais sur terre et sans diamants.
Commençons par les défauts, extrêmement nombreux.
Le postulat de base, tiré par les cheveux, est tout ce qu'il y a de plus stupide, et rien que le fait de penser qu'on a pu envisager une histoire là-dessus devrait faire rire n'importe qui. Apparemment pas. Tout repose sur le fait que l'humain n'utilise que dix pour-cents de son cerveau à des fins intellectuelles. Non seulement, ce fait n'est rien d'autre qu'une légende urbaine. Mais attendez la suite de ce postulat : si on en venait à contrôler plus que ces dix pour-cents, alors on parviendrait à maîtriser et commander, non seulement toutes les cellules de notre corps, mais aussi celles du corps des autres ; et puisqu'on y est, pourquoi pas les ondes aussi, radio, lumière, son, etc ; et puis on pourrait aussi changer l'espace à sa guise, et puis aussi le temps, pourquoi pas, après tout, tant qu'à s'enfoncer dans l'incrédibilité, autant le faire jusqu'au bout. L'heureuse élue qui dispose de tous ces super-pouvoirs, c'est bien entendue Scarlett Johansson, après avoir malencontreusement ingurgité une quantité trop importante d'une "nouvelle drogue".
Le scénario, c'est le néant, en fait en y repensant, je me rends compte que tout, absolument tout, repose sur le stupide postulat annoncé plus haut. Pas une once fil conducteur, nada, en fait, ce postulat est un prétexte à diverses scènes dans lesquelles Scarlett fait l'étalage de ses pouvoirs. On a même le droit à une mauvaise course poursuite en voiture, et c'est marrant, parce que je n'avait jamais remarqué qu'à Paris, toute la circulation se fait à contresens.
Le personnage qu'interprète Morgan Freeman m'a doucement fait rire, c'est un vieil illuminé qui, en plus de croire dur comme fer à sa fumeuse théorie sur l'utilisation du cerveau, la répand dans des conférences où les gens l'écoutent raconter ses idioties.
J'allais presque oublier, Besson a essayé d'introduire une touche de réflexion philosophique : quel sens a donc la vie? Mais oui, bien sûr, continue donc à me faire rire Luc, c'est bien. Comme si tu pouvais introduire une once de profondeur dans une histoire aussi stupide. D'ailleurs, Lucy n'est pas un nom pris au hasard, c'est en rapport avec ce fameux fossile d’australopithèque baptisé selon un air des Beatles ; et j'ai trouvé ça également stupide, parce que Luc a voulu faire un lien entre sa Lucy a lui et la "première femme", qui n'est d'ailleurs pas du tout la première femme.
J'ai été quand même généreux dans ma notation, je m'explique : il y a ici quelque chose dans cet univers Bossonien qui n'est pas à jeter, et qui m'a vaguement rappelé Léon. Les premières minutes, avant que l'on en arrive au désastre de cette théorie du cerveau, sont tout à fait plaisantes, et on a le droit à une scène réussie qui m'a un instant fait croire que je regardais un bon film. Les méchants Yakuzas, c'est classique mais ça fonctionne, j'ai même trouvé que Choi Min-sik avait un faux-air de Gary Oldman, ce qui est plutôt amusant quand on pense que d'ordinaire c'est lui le méchant fétiche du réalisateur. Parfois certaines scènes sont assez amusantes, dans l'ensemble c'est presque divertissant. Scarlett ne joue pas trop mal, mais son personnage n'a rien d'original, et c'est bien dommage.
En fait, si je n'avais pas passé toute la séance à m'énerver contre l'incrédibilité du film, contre l'absence de fond, contre la stupidité de l'histoire, contre l'absurdité de la fin, contre cette philosophie sur la vie à la mord-moi-le-nœud, et contre beaucoup d'autres détails que je n’énumérerai pas, j'aurais pu passer un excellent moment. Mais en fait, je crois qu'avec un tel postulat il était impossible de faire un bon film, et peut être que finalement Lucy n'aurait en aucun cas pu être meilleur.