On aime forcément JCVD quand on aime le ciné, car une telle volonté d’en faire sans avoir les moyens nécessaires, ça finit par forcer le respect. Bien sûr, on peut se poser des questions, et se dire que c’est un jeu, une manière de valoriser ce qu’est devenu après certains dérapages le crédit de l’acteur, ou une manière de sortir la tête de l’eau des vidéos en profitant des spectateurs. Mais il est difficile de finir une carrière quand on l’a commencé sur son physique, et qu’on a été considéré comme un succédané sans avoir pu décrocher des licences durables. Car il est facile de se perdre dans les Universal Soldier et autres Kickboxer, en ramenant chaque rôle de JCVD à une justification plus ou moins adroite du fait que son personnage donne mieux les coups qu’il ne parle anglais, alors que cela noie dans la masse des films comme In hell et Pound of flesh, ou même l’invitation sur le bateau en simili-nostalgie des Expendables.
Dix ans après JCVD et donc à près de soixante ans, Jean-Claude Van Damme reprend du galon dans une tentative moins personnelle mais moins auteurisante de faire du ciné, et ce dans son genre de prédilection, tout en reléguant au passé des prouesses comme le grand écart pour aboutir à une sorte de post-action. Entouré d’un casting valable malgré Kaaris, sur une musique correcte bien que lancinante, il prouve qu’il maîtrise de mieux en mieux les silences, au point que ses répliques, avec son léger accent bruxellois, sonnent parfois comme une étrangeté juste, dans une Belgique aux couleurs des boîtes de strip-tease ou de l’hiver quand l’hiver justifie de ne pas mettre de rideaux aux fenêtres pour gagner en luminosité. On aurait pu craindre un ersatz de Taken, puisque la seule attache du héros est sa fille et qu’elle lui est momentanément enlevée, mais il s’agit en réalité d’un film noir ou cru, plus sec qu’original, qui aurait pu s’alléger encore de cette caméra à l’épaule derrière le héros quand il va agir, ou de certaines parties à la longueur mal gérée alors que le tout est assez court. Il s’agit surtout d’un film avec une véritable intention, où la collusion entre personnage et acteur fait moins faux que d’habitude, en particulier lorsque son ennemi demande au héros s’il faut être fou ou vouloir survivre, pour se battre comme il se bat contre plus jeune que lui, et que Jean-Claude Van Damme répond qu’il faut peut-être un peu des deux.
Pour public averti (et qui sera parvenu à trouver une salle jouant le film) : Lukas (2018) de Julien Leclercq (qui n’a pas abandonné le grand écart quant à lui, puisqu’il est passé du cinéma d’anticipation aux films inspirés de la réalité pour faire maintenant de l’action), avec aussi Sveva Alviti (connu pour le dispensable Dalida, ce qui prouve au moins que JCVD a cette fois une actrice de métier comme partenaire) et Kevin Janssens (connu pour le méconnu D’Ardennen, qui lui a valu un Ensor quand les Ensor sont l’équivalent ostendais des César)
Avis publié pour la première fois sur AstéroFulgure