Vous savez j'aime beaucoup Newman jeune, lui et sa tête de petit con de première qui avait toujours l'air de dire qu'il vous emmerdait avec un sourire. J'aime beaucoup sa façon de pouffer de rire comme si se foutre de vous était une évidence. On l'imaginerait bien se pointer chez vous, pas bonjour pas merde, rouler un patin à votre femme, boire la dernière bière du frigo et vous réclamer entre deux rots la monnaie pour payer le taxi avec lequel il se rendra dans un hôtel payé avec votre chéquier faire grimper bobonne aux rideaux, le sourire en coin.

Pour vous faire une idée de ce Luke la main froide, fichez lui ce sourire d'enfoiré au grand cœur, faites lui traverser la vie les mains dans les poches mais avec de quoi ouvrir une bière autour du cou, faites lui faire son temps au violon et il vous jouera du banjo.

Décrit comme un film de prison pourtant tourné la plupart du temps en extérieur, Cool Hand Luke ne dépeint pas tant les murs qui retiennent les hommes que les barrières et entraves que ce dernier impose à ses semblables sous couvert de représenter l'ordre et la morale.

Il semblerait d'ailleurs qu'ici les hommes de justice soient tous un tas de salopards finis, déviants et sadiques, et que ces « pauvres » prisonniers —incarcérés pour la plupart pour de menus larcins ou un délit de mauvaise chance— ne soient plus réprimandés pour leur élans de liberté que pour les crimes dont ils paient la dette.

Alors quand un électron libre se balade en souriant, nonchalance et désinvolture en bandoulière, forcément ça plait pas à tout le monde.

Pour le rappel, au poker avoir la main froide signifie entre autre avoir un mauvais jeu, sans atout. Luke prouve justement qu'avec rien on ne peut pas perdre grand-chose, qu'avec rien on ne peut que gagner face à ceux qui ont à perdre, et enfin qu'avec rien on peut vraiment faire chier son monde pour peu qu'on s'en donne la peine, et qu'en plus ça peut bien être fendard.
Newman, ce chenapan, campe un autre de ces losers magnifiques que l'on affectionne tant, tellement humain, magnifiquement perturbateur, attachant et touchant (la chanson au banjo...), et qui laisse une trace indélébile dans la vie de ceux qu'il croise.

Le reste du casting n'est pas en reste, ramassis de tronches de cake patibulaires mémorables (Askew cet empaffé, Zerbe ce chien parmi les chiens, et le capitaine ce père fouettard à la diction approximative), et de sacrés bons hommes (Kennedy à la batterie, Dean Stanton à la guitare), sans oublier un Woodward emblématique planqué derrière des lunettes de soleil opaques, aveugle tel la justice, précis comme pas deux quand il s'agira de vous coller un pruneau, à défaut de prunes.

Bien sûr tous les ingrédients du film carcéral sont là, de la franche camaraderie à l'homo-érotisme latent, du mitard à la cour d'exercice, où des prisonniers plus chaleureux que leurs geôliers vous feront partager joies et peines, punitions et évasions, le tout pour deux heures ma foi fortes agréables, parfois drôles, parfois doucement mélancoliques, parfois émouvantes, parfois franchement jouissives (les évasions de Luke).

Mais avant de conclure je voudrais juste revenir sur une scène.

Vous connaissez tous ce vieux cliché/fantasme de la bonasse qui lave une voiture en tenue légère, prenant des positions suggestives et langoureuses, le corps ruisselant et l'éponge aventureuse ?
Vous avez déjà vu une femme aux formes si pleines et aux mouvements si généreux pour l'œil que les larmes l'envahissent ? Vous avez déjà vu une robe aux boutons si fragiles qu'ils laissent entrevoir monts et merveilles et si courte qu'elle dévoile des cuisses au léger duvet blond magnifiquement dorées par le soleil couchant ?

Multipliez la puissance érotique par 100, additionnez une grosse dose de désir et d'émoi adolescent, et vous aurez une vague idée du décollement de rétine provoqué par la scène du lavage de voiture. Scène dont le rythme du montage est plus qu'éloquent, d'ailleurs. Une réussite à la fois comique et érotique.

Souvenez vous de ce nom : Joy Harmon.

Cool Hand Luke fait parti de ces films qui font du bien, et ce malgré une conclusion pas si optimiste que ça. Une traversée d'emmerdes, de rires, de rêve de liberté, de drame, de regret et de légèreté.

Et une phrase qui résonne : "What we got here is failure to communicate"

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le 10 juin 2012

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real_folk_blues

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