Le Je d'actrice

Ultime film de Jeanne Moreau (réalisatrice) que je découvre, j’ai aimé ‘Lumière’ comme j’avais apprécié son autre film de fiction ‘L’adolescente’. J’y ai vu un film touchant, pas totalement accompli mais intéressant à situer dans la carrière de la grande comédienne qu’était Jeanne Moreau.

Quatre amies comédiennes, Sarah (Jeanne Moreau), Laura, Julienne et Caroline, évoquent leur parcours sentimental et professionnel. Elles vivent intensément et font tour à tour face à différentes préoccupations, en tant que femmes et en tant qu’actrices. Leur solide complicité s’incarne dans la figure centrale de Sarah, la plus âgée et la plus célèbre d’entre elles.

L’ensemble a indéniablement beaucoup de charme. On y suit trois comédiennes à différents stades de leur carrière. Il y a l’actrice accomplie, adulée des réalisateurs intellectuelles. Il y a l’actrice qui débute mais qui peine à percer. Il y a celle qui s’est mise en retrait du métier et celle qui se pose des questions sur l’orientation qu’elle veut donner à sa carrière. Avec ce quatuor, Jeanne Moreau brosse le sensible portrait des différentes facettes d’une actrice et de son rapport au milieu du cinéma, que l’on sait cruel pour les femmes. Ces portraits d’actrices se conjuguent à ceux de femmes. Là aussi, elles sont à différents stades de leur vie.

Ce qui fait l’émotion mais aussi la limite du film, c’est le portrait que l’actrice fait d’elle-même. Ceux qui sont familiers de sa carrière en reconnaîtront certains aspects. En 1976, l’année de sortie du film, Jeanne Moreau a 48 ans et est une actrice respectée, comme le personnage qu’elle incarne dans le film. Elle a jouée pour Louis Malle, Truffaut ou pour Antonioni. Elle a une belle carrière internationale. Le cinéaste allemand du film peut évoquer Rainer Werner Fassbinder avec qui l’actrice tournera. La vie sentimentale de Sarah évoque celle de Jeanne. L’actrice-réalisatrice est d’une vraie franchise dans cet autoportrait mais le film est tout de même un peu narcissique. Le film se voudrait chorale mais le personnage de Sarah prend beaucoup de place et éclipse parfois les trois autres femmes. Dommage.

D’autant plus que les quatre comédiennes sont épatantes. Jeanne Moreau est remarquable comme d’habitude. Francine Racette a une jolie gouaille qui rappelle celle de Bernadette Laffont. Caroline Cartier est très émouvante en jeune comédienne pleine d’espoir, d’illusion qui est un peu l’intrus du quartet, car contrairement aux autres, elle n’a pas encore de carrière. Mais j’ai surtout adoré Lucia Bosé, une grande comédienne italienne dont je n’avais vu jusque-là aucun film. Elle a vraiment beaucoup de charme. Enfin, comme dans ‘L’adolescente’, on s’amuse a retrouver ici et là des têtes connues. On croise notamment Niels Arestrup à ses débuts, Bruno Ganz ou Francis Huster.

Si vous aimez la série ‘Dix pour cent’ ou les films sur le milieu du cinéma, vous aimerez ‘Lumière’. Si vous faites partie du fan-club de Jeanne Moreau, vous apprécierez ce film. Mais si vous n’êtes ni l’un ni l’autre, vous ne serez sans doute pas sensible à cette réalisations, qui n’a pas vraiment d’enjeux dramatiques.

Maintenant que j’ai vu les trois films réalisés par l’actrice Jeanne Moreau, quelle est la conclusion à tirer quant à la qualité des films que l’actrice a réalisés au carrefour des années 70 ? On peut honnêtement et sans méchanceté dire que Jeanne Moreau réalisatrice n’a pas réalisé de chefs-d’œuvre et ne s’est pas imposée comme une auteure au sens où la nouvelle vague l’entendait. En revanche, ces trois films sont des curiosités, des objets intéressants à mettre en perspective avec la carrière de Jeanne Moreau actrice. ‘Lumière’ est un autoportrait, ‘L’adolescente’ montre comment elle filme la grande Simone Signoret. ‘Lilian Gish’ nous parle de son admiration et de son identification en tant qu’actrice à la grande star américaine du cinéma muet. Ces trois films sont des raretés pour cinéphiles.