Que reste-t-il sous les pavés de la misère humaine ?

En août 1945 explosait au Japon deux bombes atomiques lancées par l'armée Nord-Américaine.
Le contexte, les faits, le nombre de victimes et la suite : tout cela nous le connaissons très bien grâce aux manuels et à l'école.


Lumières d'été témoigne d'un aspect de la guerre dont l'histoire ne nous parle pas, à savoir le ressenti de l'horreur qui se déployait devant les yeux des survivants après l'éclair blanc et comment, après cela, une ville renaît timidement de ses cendres.


Le film démarre par un court-métrage d'une petite dizaine de minutes où se superposent à l'écran une multitude de photographies de la ville d'Hiroshima à travers le temps, avant la bombe, pendant et après, le tout calé sur une chansonnette anglaise très délicate. Toutes ces photos ont comme point commun de comporter le dôme emblématique de Genbaku, l'un des rares bâtiments à être resté debout après l'explosion atomique. Ces images mêlant les années, les couleurs, le noir et blanc et l'usure nous insufflent une émotion douce-amer, celle où l'on réalise mieux encore comme l'humanité peut être évanescente face à la persistance de sa violence. Ce sont dix premières minutes à la fois immobiles, secrètes et puissantes.


Puis démarre le film vraiment, la fiction. Akihiro, un réalisateur japonais vivant à Paris depuis vingt ans, travaille pour la télévision française et se rend à Hiroshima pour un documentaire sur la bombe. Si la première partie du film nous désarmait par sa poésie, la suite continue de nous prendre par les tripes en nous serrant le cœur. Akihiro accueille une vieille dame qui a survécu à cet enfer afin qu'elle témoigne du moment où la bombe explosa et de sa vie avant, puis après. C'est une attrocité qui va de ses mots à notre esprit; une situation dramatique racontée jusque dans les détails d'une rivière entière devenue rouge de sang à cause des survivants brûlés vifs tentant d'y boire pour survivre et qui s'y noyèrent. Un récit que l'on peine à croire et qui est pourtant réel. La vieille dame évoque entre autres choses sa grande sœur, Michiko, une infirmière qui, après avoir travaillé de toutes ses forces à l'hôpital de la ville pour aider un maximum de victimes, succomba quelques jours plus tard de ce qui se faisait alors appeler "la maladie de la bombe".


Tourneboulé par l'horreur de ce qu'il vient d'entendre, Akihiro prend congé après cet entretien dans un parc de la ville où il fait la connaissance d'une jeune femme particulièrement belle et très enjouée qui vient vers lui et se fait un plaisir de lui parler de sa ville. Cette femme est tant amusante que rassurante et étonnamment informée de faits précis qui caractérisèrent des bribes de vie de la population d'Hiroshima peu de temps après l'attaque. Son portrait est atypique : en costume traditionnel , connaisseuse de l'histoire de sa ville comme peu d'autres et se disant elle-même vieille dame malgré sa vingtaine, c'est une femme intemporelle qui, par la main, guide Akihiro jusqu'à la mer, comme sur un coup de tête. Ce personnage difficile à cerner déborde d'une envie de vivre prude et élégante. L'histoire se déroule ensuite sur un fil léger : au bord de la mer sur une étroite jetée, les deux personnages sympathisent avec un petit garçon et son grand-père en train de pêcher.
Avec la politesse que l'on connaît au peuple japonnais, chacun d'eux se présente et nous découvrons enfin le prénom de la jeune femme.


Elle se prénomme Michiko et a le même prénom et nom de famille que la sœur de la vieille dame survivante à la bombe. On se souvient alors que la jeune femme du parc a dit être infirmière, elle aussi, et soudain on entrevoit la possibilité qu'elle soit peut-être le fantôme de cette grande sœur décrite comme courageuse, volontaire et si belle.


Une amitié se créé rapidement et, emplis d'une jolie allégresse, tous les quatre forment le temps d'une soirée une petite famille rieuse. Après avoir allumé des bougies scintillantes avec lesquelles ils jouent et rient, ils se rendent ensemble à la "fête des ancêtres " où ils dansent à la mémoire des défunts (après une petite recherche il semblerait qu'il s'agisse d'O-Bon, un festival bouddhiste japonais honorant les esprits des ancêtres. Wikipédia nous apprend d'ailleurs que "la nuit du 6 août, on allume également des lanternes afin de consoler les esprits des victimes tuées par le bombardement atomique").


Alors le film a continué à opérer, nous laissant patois face à cette information que Michiko serait probablement bien une âme errante, une magnifique âme de vingt ans demandant quelques moments de joie et d'innocence qu'elle n'a pas eu l'occasion de vivre.
Pour autant, rien ne semble absolument certain quant à cette possible revenante et cette incertitude nourrit l'aspect merveilleux de ce récit et profondément poétique.


Et finalement, tout le ton et le message du film tient en cette identité floue de Michiko et sa fureur de vivre. Une bombe, une guerre, la violence humaine quelle qu'elle soit, c'est aussi et surtout cela, bien que l'on parle beaucoup plus de statistiques : des sourires arrachés, des vies et des ambitions arrachées au seuil de la jeunesse et un silence absolu précédé d'un éclair blanc.


Au lendemain, le jeune garçon venant saluer Akihiro lui demande où se trouve son amie et celui-ci lui répond qu'elle est partie, que, face à la perplexité de l'enfant, elle n'était peut-être bien qu'un fantôme, venu se créer sa propre famille.

Clou
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le 5 sept. 2017

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