Comment ne pas se réjouir de retrouver Rod Paradot au cinéma ? Certes, il a fait son petit bout de chemin depuis "La tête haute" (égérie de Dior, théâtre et nommé aux Molière pour "Le fils), mais il me tardait de le revoir sur grand écran. Il n'est pas un acteur tout à fait comme les autres... il est à l'image d'un Jean-Pierre Léaud, ou encore Denis Lavant, un instinctif. Il possède une personnalité qui semble déborder sur son jeu et est doté d'une aura quasi mythique. Ce qui avait desservi jadis l'incroyable Gérald Thomassin ("Le petit criminel") ou encore le troublant et trop rare Robinson Stévenin ("Mauvais genre"). Qu'on se rassure avec "Luna" Rod Paradot apporte de nouveaux atouts à son talent, il y est saisissant, entre larme douloureuse et sourire lumineux, et surtout magnifique.
La démarche de parler du comédien avant d'évoquer un film peut paraître quelque peu cavalière. Cela s'explique par la petite déception que j'ai ressenti en le voyant. Certes la relation entre Luna (Laëtitia Clément très bien !) et Alex est plutôt forte et bien campée par ses deux jeunes acteurs. Il y ont mis suffisamment de subtilité et en même temps de distance pour que l'idylle soit crédible et gomme fort heureusement les petits défauts du film.
Elsa Diringer dont c'est le premier film, se défend plutôt bien techniquement. Elle a su imposer un rythme soutenu avec une mise en scène et un montage plutôt vifs, corolaire indispensable à une telle histoire. C'est par contre au niveau du scénario que les difficultés commencent. Si les miasmes de la culpabilité sont parfaitement perçus par Luna, on s'étonne que le reste de la bande soit si passive face au retour d'Alex dans leur vie et laisse planer un doute sur leur "angoisse". Plutôt que de se servir d'eux comme faire-valoir de l'histoire, ils aurait mieux valu qu'ils soient plus offensifs, les actes se dissociant de leur statut. On retrouve également dans le film beaucoup de préjugés et poncifs inutiles. Sur un sujet assez similaire, "Corniche Kennedy" de Dominique Cabrera (sorti en 2017) avait plus d'aplomb, la caméra se mettant au niveau de ses jeunes. Diringer se veut trop manichéenne et ses personnages secondaires manquent cruellement de subtilité et de substance (le Ruben, la copine, la mère, le boss...).
Toutefois, il plane sur le film une belle lumière et, si on en connaît très vite les aboutissants, on se laisse bercer par cette love story grâce à quelque moments forts (la fête des fanfares, l'altercation entre Alex et un autre gars, la scène finale, la rencontre...). Si l'on ajoute à cela quelques éclats d'humour, on ne peut bouder ces petits plaisirs qu'offre ce "Luna", agréable à regarder ne serait-ce que pour ces deux acteurs principaux.
A noter également la vivante bande originale, avec notamment la reprise du morceau d'anthologie de Soulwax du film "Belgica" aux cuivres...